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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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nuit-là, tandis que les
    Chasseurs de Baleines se serraient de peur les uns contre les autres sous la pluie de cendres, tandis que les prières les aidaient à endurer le tremblement de la terre, l'écroulement des ulas, son fils était né. Quand il sortit en force de son corps, il criait aussi fort que ceux de son peuple se lamentant sur leurs morts.
    Comme disait Vieille Oie, il comprenait le chagrin de sa mère et chantait ses propres chants funèbres.
    Cette même nuit, avant le tremblement de terre, Galet Blanc, le mari de Kukutux, était avec les chasseurs en train de célébrer par des danses et des chants la venue des baleines. Il était venu trouver Kukutux après la naissance de l'enfant et lui avait dit de nommer le garçon II-a-du-courage, en l'honneur du père défunt de Kukutux.
    Il-a-du-courage pleurait nuit et jour, en dépit de tous les efforts de sa mère. Et Kukutux savait qu'à cause de ses pleurs incessants, le bébé avalait les esprits courroucés habitant la cendre qui tombait. Chaque jour, tandis que Kukutux veillait, priait, pleurait, l'enfant maigrissait. Ses lèvres étaient de plus en plus foncées, presque bleues. Finalement, Il-a-du-courage mourut.
    Peu après, le frère de Kukutux — le seul survivant de sa famille — se noya à la chasse. Et voilà que Galet Blanc était mort, lui aussi. Peut-être Roc Dur, leur chef, avait-il raison. La malédiction planait. D'une façon ou d'une autre, les Chasseurs de Baleines avaient attiré la colère des esprits.
    Désormais, Kukutux n'avait plus que ce logis — que Galet Blanc et elle avaient construit avec les pierres et les chevrons de l'ulaq de son père. La réserve de nourriture était suffisamment pleine pour lui permettre de passer l'hiver, à condition de manger raisonnablement et de ne pas brûler trop d'huile. Après — qui pouvait dire ? Peut-être quelque chasseur la prendrait-il pour femme. Mais de nombreux hommes avaient péri au cours des derniers mois. Dans un village manquant de chasseurs, quel homme s'encombrerait d'une bouche supplémentaire ?
    Kukutux gagna le coin où elle rangeait ses paniers de provisions, à côté des rideaux d'herbe tissée qui délimitaient sa chambre. Dans un petit panier au couvercle de peau de phoque à coulisse, elle gardait un morceau de couverture de son fils. Elle ouvrit le panier et en sortit le bout de fourrure, doux et frais contre sa joue.
    Parfois, au moment où elle glissait dans le sommeil, Kukutux sentait son fils contre elle, son poids, sa tête dure et ronde contre son épaule, la douceur de ses cheveux contre sa joue. Les larmes lui brûlaient les yeux et sa gorge se nouait.
    Elle remit la fourrure à sa place et serra le panier contre sa joue, puis elle gagna la chambre de son époux et se planta devant la porte.
    — Il n'est pas mort, se dit-elle à voix haute. Il est seulement parti chasser et je dois ranger sa chambre. La bruyère sur le sol est vieille. Bientôt, elle sentira mauvais.
    Aussi, rassemblant son courage pour faire ce qu'elle n'avait pas fait depuis la mort de Galet Blanc, entra-t-elle dans sa chambre.
    Galet Blanc était gros, lent et prudent de paroles, fort et sûr dans sa chasse, doux dans sa façon de faire l'amour. Une peau de loutre bourrée de plumes montrait encore l'empreinte de sa tête ; les fourrures étaient repoussées comme s'il venait de se lever.
    Kukutux posa son panier, s'agenouilla dans les fourrures du lit qu'elle entreprit de plier, trier, empiler selon le type et la taille. Elle prit un peu de bruyère par terre qu'elle fourra dans le panier à coulisse. Remarquant une mèche de cheveux noirs de Galet Blanc, elle l'enroula autour de ses doigts et la rangea dans le panier.
    Puis elle commença à rassembler la bruyère qui recouvrait le sol de pierre et de boue. Quand elle en eut une pleine brassée, elle la jeta dans la grande salle.
    — Là, tu vois, se dit-elle tout haut, ce n'est pas si terrible. Tu es plus forte que tu ne le croyais.
    Elle répéta la manœuvre avec une seconde brassée. Plus tard, elle en couperait de la fraîche qu'elle étendrait sur le sol. Y avait-il mieux qu'un ulaq fleurant la bruyère ?
    Kukutux se tourna pour ramasser le reste de vieille bruyère mais, en se penchant, elle aperçut une griffe d'ours jaune et brune fichée dans une fissure entre le sol et le mur. Soudain, son chagrin se raviva, tranchant comme la lame du couteau avec lequel elle s'était tailladé les bras. Et les souvenirs remontèrent

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