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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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cours de sa cérémonie d'intronisation — celui-là était resté sur l'île des Chasseurs de Baleines — mais celui qu'il s'était confectionné une fois revenu parmi son peuple. Il n'était pas aussi beau que le premier. Il ne portait pas de marques rouges et noires et n'avait pas la fine bande d'ivoire à l'endroit où le cercle de bois se refermait derrière le crâne, mais il protégeait ses yeux du vent et de l'eau.
    Le voyage était long depuis la plage du village jusqu'au bout de la baie ; aussi le soleil se leva-t-il. Il apporta peu de chaleur et les nuages étaient si bas que Samig avait l'impression qu'il aurait pu les toucher de sa pagaie et leur crever le ventre.
    Tandis qu'il observait le ciel, des voix lui parvinrent, petits esprits porteurs de doute.
    Comment les chasseurs Premiers Hommes pouvaient-ils espérer trouver des lions de mer à pareille époque, si près de l'hiver ?
    Comment vivraient-ils sans huile ni viande ?
    Baie Rouge aurait-elle assez de lait pour nourrir son bébé et Takha ?
    Les hommes entonnèrent un chant de chasse au phoque ; mais Samig percevait toujours les voix des esprits. Leurs questions martelaient douloureusement la tête de Samig qui finit par leur répondre.
    — Nous vivrons quitte à manger de l'herbe. Trois Poissons ne souffrira pas de la faim, même si je dois pour cela lui donner à manger ma propre chair. Si Baie Rouge ne peut nourrir Takha, je le reconduirai chez le Corbeau. Mieux vaut pour lui être élevé en Homme Morse que de mourir de faim.
    « Tu ne peux le ramener au peuple Morse, rétorqua un esprit. Ils le tueront. As-tu oublié ce que t'a expliqué Kiin à propos de la malédiction des bébés ? »
    — Kiin a emmené Shuku avec elle, répondit Samig. Si elle pensait qu'il pourrait lui arriver malheur, elle l'aurait laissé aussi.
    « Mais elle a dit au Corbeau que Takha était mort. Tu l'as entendue. Pourquoi l'aurait-elle fait à moins de vouloir protéger Takha ? »
    — Pour me donner mon fils. C'était une façon de nous lier l'un à l'autre alors que nous vivions dans des villages séparés.
    Samig attendit que les voix des esprits rétorquent, se moquent, mais elles se turent. Tout en pagayant dans la mer du Nord, il décida qu'il les avait laissées derrière lui dans les eaux plus calmes de la baie.
    Samig renifla la puanteur de la colonie bien avant de repérer la baie. Il se prit alors à espérer entrevoir le visage souriant des femmes au moment où les hommes rentreraient à la maison avec des lions de mer maintenus par des flotteurs et traînant les ikyan. Il songea à ce qu'il dirait à ces esprits trouble-fête une fois de retour dans la baie des Commerçants.
    D'énormes rochers protégeaient la plage de la colonie. Plissant les yeux, Samig crut distinguer des lions de mer sur les rochers, crut voir du mouvement, et ralentit son embarcation. C'est alors qu'il s'aperçut qu'il n'entendait pas le moindre appel d'animal. Même les mouettes et les oiseaux des falaises étaient partis. Silencieuse, la plage se préparait au vent et à la neige hivernale.
    Il regarda les épaules des hommes s'affaisser cependant qu'ils pagayaient distraitement, sans but ni rythme. Les lions de mer étaient partis.
    — Nous les trouverons, s'écria Kayugh.
    Samig ouvrit la bouche pour approuver, mais les mots ne vinrent pas. A quoi bon mentir ? Cela ne leur ramènerait pas les animaux marins. Mieux valait chercher des phoques, voire des loutres. Manger de la viande de loutre était pis que manger de la poussière, disaient certains, mais de la viande était de la viande. D'ailleurs, existait-il quelque chose de plus chaud que de la fourrure de loutre ? Il continua donc à pagayer le long du rivage. Il se retourna pour s'apercevoir que les autres le suivaient.
    Ils revinrent avec un veau marin, que Premier Flocon avait pris à l'embouchure de leur baie. Quand elles les virent, les femmes gardèrent d'abord le silence. Puis Chagak entonna un chant de louange. Les trilles aigus firent oublier à Samig combien peu ils avaient rapporté et, un bref instant, il se vit en chasseur. Puis, comme s'il était soudain redevenu enfant, les larmes lui brûlèrent les yeux.
    Suis-je un gamin, se demanda-t-il, que je doive pleurer de déception ? Nous avons de quoi manger pour un ou deux jours. C'est mieux que rien. Levant les yeux, il vit que tous les hommes l'observaient depuis leur ikyak, et les femmes depuis le rivage.
    Samig inspira profondément, regrettant une

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