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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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Il avait vu le Peuple des Rivières avoir un poisson séché côté peau au-dessus du feu et celle-ci se racornir sous la chaleur. Il avait essayé et avait trouvé cela bon. La flamme faisait sortir l'huile du poisson et en adoucissait la chair. Mais qui avait le temps d'allumer un feu ou d'attendre que les femmes ravivent les braises ? Quand un homme avait faim, il devait manger. Ainsi en était-il chez les Chasseurs de Morses.
    — Un homme pourrait voir des choses qui lui seraient utiles, commença Dyenen. Un homme pourrait avoir quelque chose à échanger contre ces choses.
    Le Corbeau soupira tandis que le vieil homme poursuivait. Il avait peut-être eu tort de prétendre ne rien comprendre au langage Rivière. La transaction serait longue et fastidieuse, il entendrait tout deux fois. Les Rivières parlaient toujours en prudentes circonvolutions. Leurs longs discours rappelaient au Corbeau un loup suivant la piste d'un caribou, décrivant des cercles qui semblaient s'éloigner pour finir par une lune large avant l'attaque.
    — Veut-il commencer ou non ? demanda le Corbeau en interrompant le long entrelacs de mots qui sortait de la bouche du vieil homme.
    — Oui, répondit Renard Blanc dont les yeux l'avertissaient de procéder doucement et poliment.
    Oui, reconnut le Corbeau pour lui-même, il devait faire attention. Il respira profondément et ravala son impatience.
    Renard Blanc et Dyenen en vinrent finalement à une offre d'échanges de marchandises. Puis le vieillard dit :
    — J'ai aussi une peau de loup.
    Renard Blanc s'empressa de détourner les yeux et le Corbeau sut pourquoi. Renard Blanc avait espéré obtenir une peau de loup. Les femmes Morses donneraient beaucoup pour orner leur parka d'un col en fourrure de loup.
    — J'ai des peaux de phoque à fourrure, dit Renard Blanc avec un haussement d'épaules.
    — Trois, dit Dyenen en levant trois doigts.
    Renard Blanc éclata de rire.
    — Une.
    — Trois.
    Renard Blanc secoua la tête, se leva et s'éloigna.
    — Deux, lança Dyenen.
    — Une et deux nattes d'herbes tissées par les femmes Traqueurs de Phoques, offrit Renard Blanc, dos tourné.
    Dyenen leva la tête pour regarder le ciel et suça bruyamment ses dents.
    — Oui, si je peux choisir la peau.
    — Apporte la peau de loup. Nous verrons, répondit Renard Blanc.
    Dyenen se leva et tendit une main paume ouverte au Corbeau. Ce dernier hocha la tête et regarda l'homme s'éloigner.
    — Tu ne lui as pas montré les sculptures ? s'étonna Renard Blanc.
    — Je vais le faire, répondit le Corbeau. C'est un bon négociant, mais tu es meilleur.
    Sans commentaire, Renard Blanc regagna le coin des marchandises la tête haute et les épaules en arrière.
    Tu es un bon négociant, songea le Corbeau. Et je suis encore meilleur. Ce soir, je posséderai les secrets du pouvoir de ce chaman, comment il tient sa place au-dessus du Peuple des Rivières, et je l'aurai contre un plein panier de bois et d'ivoire.
    L'incantation s'échappa de la demeure, la voix de Dyenen et une autre voix, haute, comme celle d'une femme. Le Corbeau s'arrêta un moment dehors et écouta. Deux personnes à l'intérieur, peut-être trois, se dit-il. Il attendit. Le ciel avait commencé de s'assombrir, mais on distinguait encore le village, la fumée grise montant de chacune des nombreuses tentes — au moins trois fois dix. Et dix, douze personnes dans chaque.
    Il n'avait jamais vu village aussi grand, ni avec autant de nourriture, surtout à cette époque de l'année où les oiseaux n'avaient pas encore pondu leurs œufs de printemps. Les caches d'hiver, plates-formes dressées sur des poteaux plus hauts que la tête d'un homme, regorgeaient de viande et de poisson, de baies séchées et de graisse ; pourtant l'hiver avait été rude. Comment un seul homme maintenait-il autant de monde en paix ? Comment donnait-il à ses chasseurs le pouvoir de les nourrir ? Était-il un appeleur, un chaman capable de faire venir caribou, ours ou orignal afin que son peuple ait toujours de la viande ?
    Le Corbeau était venu seul. La décision n'avait pas été facile. Qu'est-ce qui était plus important, être libre de parler à Dyenen, seul à seul, de négocier, chaman à chaman ; être libre de commercer à l'insu de Renard Blanc, ou avoir l'avantage de comprendre le vieil homme sans qu'il s'en rende compte ? En un certain sens, on avait pris la décision pour lui. Renard Blanc jouissait de sa soirée avec la fille Rivière

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