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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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qu'il avait achetée. Pourquoi l'interrompre ? Pourquoi subir le ressentiment d'un homme comme un nuage noir qui planerait sur sa séance de troc avec Dyenen ?
    Une fois de plus, le Corbeau entendit la voix haute d'une femme qui chantait. En quelle langue ? Pas celle du Peuple des Rivières, pas même celle des Caribous, Puis la voix d'un homme jeune et fort — un chasseur — s'exprimant lui aussi dans cette langue inconnue. Enfir la voix de Dyenen, la voix d'un homme vieillissant mais encore vigoureux. Le Corbeau resta un long; moment dehors. Quand les chants se turent, il attendii: que l'homme et la femme sortent, mais ce ne fut pas le cas ; à l'intérieur de la demeure le silence régnait.
    Ainsi, songea le Corbeau, ces gens sont comme les Premiers Hommes, qui restent parfois assis ensemble une journée entière sans parler. Cette coutume donnait toujours au Corbeau l'impression que ses muscle!» allaient bientôt éclater à travers sa peau. Il posa sa main gauche contre la tente et leva la droite pour gratter le rideau de la porte en cuir de caribou, coutume de politesse chez les Rivières. Les voix reprirent et, cette fois, une main toujours contre la couverture, le Corbeau sentit la tente trembler comme si le vieux chaman s'adressait à elle.
    Le Corbeau fut bientôt las d'attendre et de se poser des questions. Il gratta de nouveau la porte, une fois, deux fois puis rampa dans l'étroit tunnel d'entrée. Au centre, couvait un feu dont la fumée brûlait les yeu:<. Le Corbeau cligna les paupières pour calmer l'irritation, attendit que les larmes s'éloignent puis s'accroupit. Il s'aperçut soudain que la tente n'abritait que le chama .
    — Tu es seul ? demanda le Corbeau en oubliant de lever ses mains ou d'offrir de la nourriture.
    — Tu parles la langue du Peuple des Rivières ? remarqua le vieil homme.
    — Un peu, mais mal.
    — Mieux que tu ne me l'as laissé supposer.
    Le Corbeau sourit.
    — Trois jours je suis dans ce village. Vite j'apprends.
    Il haussa les épaules et se souvint alors que les Rivières ne haussaient pas les épaules mais tendaient les mains, doigts vers le haut.
    — Pour la politesse, j'ai de l'ignorance.
    — C'est ce que je constate, dit Dyenen.
    — Renard Blanc a découvert les joies de vos femmes, dit le Corbeau.
    Dyenen s'abstint de répondre. Le Corbeau eut un sourire contraint. Le Peuple des Rivières n'était pas de ceux qui discutent des femmes, même en plaisantant, et même si celles-ci étaient souvent promptes à rejoindre les hommes dans leur lit.
    — Il y avait... J'ai entendu une femme, un homme, dit le Corbeau en tournant la tête dans la direction de l'ombre, au cas où ses yeux, aveuglés par la fumée, avaient manqué la présence de quelqu'un ou l'existence d'une autre ouverture. Mais rien. Ni homme, ni femme, ni porte.
    Une fois encore, Dyenen fit comme s'il n'avait rien entendu et lui passa un plat contenant du poisson et des feuilles de la plante que les Chasseurs de Morses appelaient langue d'oie. Le Corbeau se servit.
    Ils restèrent assis en silence, observant le feu. Clignant toujours les yeux à cause de la fumée, le Corbeau dit enfin :
    — Je suis venu marchander.
    Dyenen se tut longtemps. Il mangea, se pencha pour alimenter le feu et mangea de nouveau.
    — J'ai troqué aujourd'hui, dit-il enfin. J'ai ce qu'il me faut.
    Le Corbeau tira de sous sa robe le panier contenant les sculptures de Kiin.
    — Tu n'as pas tout vu. J'ai des choses à échanger, de chaman à chaman.
    Il leva les yeux pour s'assurer que Dyenen regardait puis se leva et ôta son manteau de plumes noires qu'il posa par terre entre le vieil homme et lui. Quoi de mieux pour souligner le blanc de l'ivoire de Kiin, le jaune et le gris de son bois ?
    S'asseyant de nouveau sur ses talons, le Corbeau prit le panier à couvercle entre ses mains et l'ouvrit avec précaution. Il sortit d'abord la plus grosse sculpture — un morse, long comme une main d'homme. Kiin en avait façonné le corps dans une dent de baleine. Des incurvations d'ivoire représentaient les longues défenses pointues. Sans un regard pour le chaman, le Corbeau comprit que l'homme retenait son souffle. A côté du morse, le Corbeau posa trois oiseaux marins aux ailes étendues comme pour saisir le vent. Le plus petit n'excédait pas la taille de la dernière phalange de son petit doigt. Il disposa des phoques d'ivoire, certains avec des yeux d'obsidienne scintillante, et une loutre allongée sur le dos,

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