Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
Vom Netzwerk:
destiné à sonder la discipline et la confiance du peuple polonais. Il interdisait la lecture des journaux allemands imprimés en polonais. Le délégué en chef du gouvernement en exil savait qu’il était impossible d’interdire complètement la lecture de ces journaux. La curiosité et le désir de connaître des nouvelles étaient trop ardents pour être contenus. L’ordre fut limité pendant quelque temps au vendredi. Ce jour-là, les Polonais avaient pour instruction de s’abstenir d’acheter un seul exemplaire des journaux nazis.
    Nous vîmes rapidement les résultats de cet ordre. L’édition du vendredi des journaux allemands dut être réduite de façon très sensible. On sut bientôt dans toute la Pologne – à Warszawa, Krakow, Lviv et Wilno – qu’une personne qui achetait un journal le vendredi pouvait recevoir une brique sur le crâne en quittant le kiosque. Une main invisible pouvait lui accrocher dans le dos une pancarte sur laquelle serait écrit : « Ce salaud soutient les Allemands. » Une inscription à la peinture indélébile pouvait apparaître comme par magie, le lendemain, sur sa maison : « Un imbécile habite ici, un Polonais vil et stupide qui préfère obéir aux gangsters nazis qu’à ses propres dirigeants. »
    Un moyen simple et adroit d’unifier et de réconforter le peuple polonais en le rapprochant de la Résistance était de rebaptiser les rues. L’ordre en fut donné par la Représentation politique. C’était peut-être d’inspiration un peu sentimentale, mais cela s’avéra d’une valeur pratique certaine. En une nuit, sur les murs, les réverbères, aux coins des rues, des plaques et des inscriptions apparaissaient portant des noms nouveaux, les noms des héros et des hommes d’État de cette guerre que les Polonais admiraient : « avenue Niedzialkowski », « allée Rataj », « rue Roosevelt », « boulevard Churchill ». Cela devint un crime impardonnable, lorsqu’on était entre patriotes, de se servir des noms d’avant guerre ou de ceux que l’occupant avait donnés. Quand on était avec des étrangers, on savait immédiatement de quel bord ils étaient ; s’ils disaient : « rue Roosevelt », on savait qu’à moins d’être des provocateurs, ils étaient des nôtres. S’ils disaient « rue Debowa », il fallait tenir sa langue. C’est de cette façon que la plupart des rues de Pologne furent rebaptisées et les noms acceptés par une grande majorité de la population.
    J’eus d’amples témoignages du succès avec lequel la Résistance maintenait le peuple dans son attitude intransigeante envers l’ennemi. J’avais fréquemment à rédiger des rapports sur l’effet de nos instructions et à les faire circuler parmi nos dirigeants. Au début de 1942, les Allemands intensifièrent leur chasse à l’homme. Un nombre sans cesse croissant d’hommes, de femmes, de garçons et de filles étaient raflés et envoyés dans des camps de travail. Un aristocrate polonais, ex-diplomate, qui avait étudié à Heidelberg et avait de nombreuses relations avec le corps diplomatique et l’aristocratie allemande, demanda au délégué l’autorisation d’envoyer un mémorandum aux autorités centrales à Berlin. Il était assez courageux pour décrire les excès et les brutalités des Allemands en Pologne. Il demandait au gouvernement allemand de mettre fin à ces excès et d’interdire désormais que les enfants, les femmes enceintes et les pères de famille soient envoyés dans des camps de travail. C’était une proposition intéressante et elle pouvait avoir une chance de succès. C’est ce que je fis ressortir dans mon rapport. Si la permission lui avait été accordée, il aurait semblé agir au nom de la nation polonaise, et la nation polonaise ne reconnaissait à aucun Allemand le droit d’envoyer un seul Polonais dans un camp de travail. L’attitude que nous avions adoptée envers les Allemands nous interdisait toute collaboration et tout compromis dans le domaine politique. Le projet fut rejeté à l’unanimité.
    La fréquentation des cinémas, des théâtres et des bordels que les Allemands inauguraient dans le but de corrompre et de démoraliser le peuple polonais, ainsi que la lecture des livres qu’ils publiaient, étaient naturellement défendues. Une actrice polonaise ouvrit son propre théâtre au début de 1942. Elle avait quelques relations avec les Allemands et obtint leur autorisation. Elle n’avait pas

Weitere Kostenlose Bücher