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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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pays, car vous êtes ses nourriciers. Sabotez les réquisitions de l’occupant. Ravitaillez vos frères affamés des villes. En bons chrétiens, ne permettez pas qu’ils soient exploités.
    6° Soyez soumis, rusés et sages dans vos rapports avec l’occupant. Soyez fidèles à votre organisation, gardez votre parole, gardez les secrets de votre organisation, défendez la dignité de la Nation.
    7° Soyez impitoyables avec les traîtres et les provocateurs. Flétrissez la servilité et les relations avec l’ennemi. Supprimez les bavardages et les curiosités inutiles.
    8° Choisissez-vous des dirigeants forts, dignes de confiance, éprouvés, généreux, prêts à tous les sacrifices. Ne vous laissez pas démoraliser par la guerre.
    9° Soyez implacables quand vous demanderez les châtiments les plus sévères contre les Allemands, pour leur bestialité, leur rapacité, leur esprit d’agression. Exigez qu’ils soient écrasés.
    10° Gardez la foi. Dites à vos voisins qu’aussi longue que soit la guerre et quels que soient les sacrifices qu’elle nécessite, le jour de l’ultime victoire, le jour de la justice et de la vérité viendra, et qu’une Pologne indépendante et démocratique renaîtra.
    Les branches rurales de la Résistance déployaient un acharnement particulier et une ingéniosité bien à elles cxvi .
    Dans notre désespoir devant les méthodes barbares des Allemands, nous employions vraiment des procédés dont nous étions presque honteux, mais c’étaient des réponses purement rationnelles à l’épouvantable plan d’extermination allemand. Nous employâmes, par exemple, dans plusieurs cas des entremetteurs pour provoquer des rencontres entre des officiers allemands et des prostituées que nous savions atteintes de maladies vénériennes. Nous avions libéré en septembre 1939 un grand nombre de criminels des pénitenciers, et les encourageâmes à reprendre leurs anciennes « professions », sous réserve qu’ils limiteraient leurs activités aux Allemands. Nos autorités gardaient les noms et les dossiers de chacun d’eux, de façon à pouvoir en conserver le contrôle après la guerre. Naturellement, il leur a été promis que leurs condamnations seraient réduites proportionnellement au succès de leurs opérations contre les Allemands. Le fait qu’aucun de ces criminels ne commit un seul de ces méfaits contre un Polonais et que l’on pouvait confier à beaucoup d’entre eux les plus sanglantes missions de l’action clandestine est significatif. Il prouve l’intensité de la haine collective contre l’Allemand cxvii .
    Les gens qui n’ont pas vécu sous la domination nazie ne seront jamais capables de mesurer la force de cette haine et auront du mal à comprendre comment toutes les lois morales, toutes les conventions, tous les instincts refoulés disparaissaient tout simplement. Il ne nous restait que le désespoir de l’animal pris au piège. Nous nous défendions par tous les moyens concevables, dans une lutte farouche contre un ennemi déterminé à nous détruire. La Pologne se débattait comme un chat blessé, écumant et toutes griffes dehors contre son oppresseur. Je doute qu’il y ait eu un état de choses similaires atteignant d’autres grandes collectivités, depuis l’époque du Christ.
    Nous avions de véritables « spécialistes de la vengeance ». On m’avait ainsi donné l’exemple d’un homme dénommé Jan, originaire de la province de Poznan, qui parlait couramment l’allemand et utilisait les papiers d’un Volksdeutsche. Il faisait, avant la guerre, le commerce des porcs. Sa région eut à subir les plus atroces souffrances sous l’occupation nazie. À Warszawa, Jan était devenu l’un de ces « spécialistes » qui rendaient aux Allemands la monnaie de leur pièce.
    L’activité favorite de Jan était de répandre des maladies contagieuses, en particulier le typhus, dont les Allemands avaient une peur panique. Il paraît qu’il utilisait pour cela des poux qu’il élevait spécialement et transportait dans une petite boîte ravissante, fabriquée tout exprès. Il les introduisait dans les lieux fréquentés par les Allemands. Quand j’ai entendu cela, de telles méthodes me parurent si repoussantes que j’en oubliai de prendre de plus amples informations. Avec le temps ma sensibilité s’est émoussée.
    Nous avions de nombreuses preuves de l’obéissance du peuple et de sa confiance en nous. Un ordre typique fut donné,

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