Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin
sadiques de la Gestapo et à l’administration nazie en Pologne ces meurtres aveugles et tout ce qu’ils nous firent subir, ainsi qu’au peuple juif sans défense.
Le règne de la justice ne saurait être instauré dans le monde aussi longtemps que cette bande de dégénérés n’aura pas payé devant les peuples qui ont enduré leur barbarie cxiv .
En ville, en général, on ne savait pas qui mourrait en représailles d’une action de la Résistance contre les Allemands. Ils fusillaient un prisonnier sur cinq ou un habitant sur dix de la rue où l’attentat ou le sabotage avait eu lieu. En province, l’occupant faisait preuve d’une perversion plus diabolique. On publiait des listes de personnes qui supporteraient la responsabilité pendant une période de trois mois pour tout « acte de banditisme » commis contre l’administration du Generalgouvernement. Dans les petites localités, tout le monde se connaissait. On savait donc qui étaient les otages. Il était d’autant plus difficile de décider de faire sauter un train quand on savait qui le paierait de sa vie. Mais la Résistance devait agir. Aussi les actes de sabotage dans un secteur donné étaient-ils exécutés par des résistants d’un autre secteur.
Les méthodes employées par les Allemands pour extorquer les produits agricoles étaient innombrables, mais les paysans imaginèrent de nombreuses manières de les duper, de garder de quoi se nourrir et de leur fournir seulement des produits inférieurs ou encore de détruire ce qu’ils ne pouvaient sauver. Cependant la campagne eut à subir une nouvelle atteinte démoralisante pendant la seconde moitié de l’année 1942. Les Allemands publièrent un ordre interdisant tout mariage sans la permission des autorités. Dans presque tous les cas, cette autorisation était refusée, sous prétexte que le couple ne convenait pas au programme d’élévation du standard racial du peuple polonais. En complément à cet édit sans précédent, un autre décréta que tous les enfants « illégaux » pourraient être « confisqués » à leurs parents par les autorités et déportés dans des orphelinats du Reich.
Ainsi, lorsque par suite du premier décret, les villageois commencèrent à contracter des mariages secrets, le second décret entra en jeu. Les enfants de ces infortunés parents leur étaient invariablement arrachés. Souvent les mères tentaient d’emmener leurs bébés dans un autre village où elles pourraient se cacher. Cela réussissait rarement. La Gestapo utilisait toutes ses ressources pour retrouver la mère et emportait le bébé comme s’il était un chiot. Des milliers d’enfants polonais sont ainsi irrémédiablement perdus pour leurs parents. Personne ne sait exactement ce qui leur est arrivé cxv .
Les répressions supportées par les campagnes contribuaient à leur radicalisation politique. Le Parti paysan, qui parlait au nom de la population des campagnes, ne dissimulait pas sa volonté de voir naître au lendemain de la victoire une Pologne à la structure sociopolitique modifiée. Les campagnes souffraient, supportaient le poids de la guerre mais elles n’avaient pas l’intention de le faire gratuitement. Les « dix commandements de la Résistance », publiés par le Parti paysan, devinrent paroles sacrées dans la bouche et le cœur de ces gens opprimés. La presse clandestine les imprima ; ils furent distribués en feuillets de petit format ; les paysans les recopièrent ; les enfants les apprirent par cœur :
1° Luttez farouchement pour l’indépendance de la Pologne.
2° En dépit des persécutions, créez une organisation dans votre village pour réconforter les faibles et calmer les excités, jusqu’à ce que l’heure vienne. Cette organisation doit être comme un poste militaire. Elle doit saper et affaiblir continuellement la loi sanguinaire de l’Allemand et s’en débarrasser le moment venu.
3° Créez cette organisation pour qu’il soit possible d’établir une Pologne du peuple, avec la classe paysanne pour fondement, une Pologne sans aucune élite, ni dictature, une Pologne démocratique, aux lois stables, avec un Parlement élu librement et une administration appelée au pouvoir par le peuple.
4° Demandez des réformes sociales justes, la terre pour les paysans, du travail pour tout le monde ; une économie du pays fondée sur des coopératives ; la nationalisation des mines et des industries.
5° Servez loyalement votre
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