Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin
agences, les Polonais recevaient des comptes rendus véridiques sur les dernières nouvelles du monde extérieur, la situation des fronts et les événements les plus importants des autres pays occupés. Ces agences de presse avaient des correspondants réguliers dans les pays alliés et neutres. La correspondance qu’ils envoyaient était évidemment chiffrée. En quelques heures, les discours de Churchill et de Roosevelt, les interviews des membres du gouvernement polonais en exil et les nouvelles des opérations militaires arrivaient en Pologne et y étaient largement diffusés. Ces agences ne fournissaient pas seulement les textes des discours, mais aussi un commentaire et des notes explicatives. Comme les agences de presse régulières, elles vendaient de la copie aux journaux clandestins qui faisaient leurs articles d’après ces informations. En retour, les journaux recevaient des fonds sur les ventes faites à leurs lecteurs. Les meilleures agences de presse clandestines étaient l’agence de l’ AK , l’agence de la Délégation du gouvernement et l’agence de l’Écho de la presse.
Les journaux étaient nombreux et très variés. Chaque groupe politique avait au moins un organe clandestin, et beaucoup en avaient plusieurs. L’influence et le tirage de ces journaux étaient eux aussi très divers. Le Biuletyn Informacyjny (Le Bulletin d’information), l’organe semi-officiel de l’Armée de l’intérieur ( AK ) tirait au moins à trente mille exemplaires, mais chaque exemplaire avait plusieurs lecteurs car chaque numéro passait de main en main. Le tirage des autres journaux était moins important, allant de cent cinquante exemplaires à une quinzaine de mille.
À quoi ressemblaient ces journaux clandestins ? La plupart étaient d’un petit format pour des raisons compréhensibles (de 12 à 15 centimètres de large sur 20 à 25 centimètres de haut) et comptaient de quatre à seize pages. La plupart d’entre eux étaient tirés à la main, certains en linotypie, d’autres imprimés sur de petites presses à main, d’autres miméographiés.
Ces publications clandestines ne jouissaient pas toutes de l’approbation des autorités de la Résistance. Beaucoup, bien qu’étant publiées en toute bonne foi, étaient considérées comme… parfaitement superflues. Une partie d’entre elles n’avait qu’une audience très locale et limitée, d’autres avaient un caractère politique irresponsable et semaient la confusion dans la Résistance. Certaines véhiculaient des opinions relevant du mysticisme, de la prophétie ou de la divination. D’autres encore n’observaient pas les règles de la conspiration et provoquaient des arrestations et des pertes matérielles.
La publication d’un journal clandestin nécessitait des hommes parfaitement entraînés et compétents. Ils ne devaient pas seulement faire du bon journalisme, mais s’assurer que rien d’important n’était révélé à l’ennemi. Nous pouvions être sûrs que la Gestapo épluchait soigneusement ces journaux, à la recherche de la plus petite information significative. Les éditeurs prenaient plaisir à en envoyer directement au quartier général de la Gestapo à Warszawa, généralement accompagnés d’un message : « Nous vous adressons un exemplaire de notre journal dans le but de faciliter vos recherches, pour que vous sachiez ce que nous pensons de vous, et que vous soyez au courant de ce que nous vous préparons. »
Dans l’ensemble, les opinions et les tendances de la presse clandestine étaient celles de la Résistance. La Délégation du gouvernement avait son propre organe officiel : Rzeczpospolita Polska (La République polonaise ) qui exprimait le point de vue officiel du gouvernement en exil et des autorités de la Résistance. Elle y faisait paraître ses ordres et ses consignes, les prises de position des membres éminents du gouvernement en exil et les discours des chefs des États alliés, des éditoriaux qui exprimaient le point de vue officiel de la Résistance. Il avait un grand tirage, une large diffusion et exerçait une profonde influence sur l’opinion. La Délégation du gouvernement publiait aussi des organes provinciaux qui exprimaient les mêmes points de vue et des objectifs similaires. Deux des plus populaires, Nasze Ziemie Wschodnie (Nos provinces orientales ) et Ziemie Zachodnie RP (Les Provinces occidentales de la République polonaise), étaient particulièrement remarquables
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