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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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finalement j’en fus récompensé. Je trouvai un morceau de pain graissé de lard, une pincée de sel dans un papier séparé, et une bouteille pleine d’un liquide nauséabond dont je ne pus découvrir l’usage.
    J’apportai fièrement le paquet aux autres. Franek ouvrit la bouteille énigmatique et cria de joie. C’était un remède qui valait son pesant d’or contre les poux et la gale. Nos corps, nos cheveux, notre linge et nos vêtements étaient infestés de poux et autres vermines.
    Dans les trois jours qui suivirent, je trouvai encore trois autres paquets au même endroit et j’établis le contact avec notre bienfaiteur si prévoyant. J’arrachai un morceau de papier à l’un des paquets et avec un bout de crayon je lui griffonnai un mot : « Pourriez-vous nous apporter des vêtements civils ? Quatre d’entre nous veulent à tout prix s’évader. »
    Le lendemain à l’aube je courus fouiller le buisson et tombai tout de suite sur un paquet. Il contenait plus de provisions et ce billet : « Je ne peux apporter de vêtements parce que je serais vu. Vous allez quitter le camp dans quelques jours pour le travail obligatoire. Essayez de vous évader quand vous serez en route. »
    Mes camarades et moi décidâmes de nous tenir prêts.
    Cinq jours après, nous fûmes réveillés plus tôt que de coutume. Le sous-officier, muni de sa cravache, nous rossa avec une férocité accrue. Dans la lugubre lumière grise du matin, nous fûmes rassemblés et conduits sans un mot d’explication à la gare la plus proche. Pendant le trajet, mes compagnons et moi, nous nous consultions fiévreusement à voix basse, mais nous étions bien gardés et nous ne vîmes aucune possibilité de nous glisser hors des rangs. Nous décidâmes d’attendre, pensant logiquement que le train nous offrirait une meilleure opportunité.
    Une longue rangée de wagons de marchandises nous attendait à la gare. Les gardiens, en nous piquant de leurs baïonnettes et criant « cochons de Polonais » pour nous presser, nous embarquèrent à soixante ou soixante-cinq par wagon. Nous étions dans un train qui servait en temps normal au transport du bétail, cela se voyait et se sentait. Le wagon mesurait un peu plus de quinze mètres de long, trois mètres de large, et deux mètres et demi de haut ; les seules sources de lumière, à part la porte, étaient quatre petites fenêtres placées à la hauteur des yeux ; un moment après notre installation, un sergent entra, accompagné d’un gardien qui nous apportait du pain rassis. Le sergent resta près de la porte, revolver au poing, pendant qu’on nous distribuait le pain. Le gardien l’imita alors, et tira aussi son revolver. Le sergent regarda partout, dirigea son arme sur chacun pour nous faire tenir tranquilles, puis il prit un air féroce et nous déclara en mauvais polonais :
    — Attention ! on vous mène tous à un endroit où vous serez libres et pourrez travailler. Vous n’avez rien à craindre si vous vous conduisez convenablement. Mais le train est bien gardé : vous serez tués, si vous cherchez à vous évader. Vous aurez la permission de descendre du train pendant quinze minutes toutes les six heures, celui qui créera du désordre ou souillera le wagon sera abattu.
    Il nous regarda d’un air de défi, comme s’il espérait une provocation, puis il descendit du train, suivi du gardien. La porte fut refermée de l’extérieur et nous entendîmes le bruit de la barre de fer qui la verrouillait.
    Le train repartit avec des hésitations, s’arrêtant fréquemment, et sans jamais atteindre sa vitesse maximale sauf à de courts intervalles.
    Je consultai mes trois compagnons :
    — C’est maintenant ou jamais, leur dis-je ; si nous ne nous échappons pas du train, c’en est fini jusqu’à la fin de la guerre.
    Ils furent de mon avis. Il ne s’agissait plus que de se mettre d’accord sur l’endroit et le moment propices. L’un des paysans suggéra que le mieux serait d’essayer de se faufiler pendant le quart d’heure prévu. Nous repoussâmes cette idée, car nous serions trop bien gardés pendant les arrêts.
    Nous décidâmes d’attendre la tombée de la nuit, alors que nous approchions des forêts de la région de Kielce, mais il serait difficile de sauter par la fenêtre. Je me rappelai un tour de mon enfance : trois hommes pouvaient en porter un quatrième, et moitié poussé, moitié lancé, le faire passer à travers l’ouverture.
    Un

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