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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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peut être sans espoir pour quelqu’un. Mais comment peut-on connaître l’avenir ?
    Je souris avec une certaine amertume.
    — Je connais mon avenir. Que pensez-vous que la Gestapo fasse de moi quand ils auront terminé leurs interrogatoires ?
    — Cela ne sera peut-être pas aussi mauvais que vous le pensez. Vous ne resterez peut-être pas ici.
    — Ils ne me laisseront jamais partir.
    Il sourit d’un air encourageant.
    — Je suis d’un avis différent. J’ai entendu le médecin de l’hôpital téléphoner à celui de la prison. À ce que j’ai compris, il lui disait que vous deviez être renvoyé, sans quoi il déclinait toute responsabilité.
    Je sentis soudain un flot d’espoir m’envahir momentanément. Mais je le refoulai. J’avais été si souvent déçu.
    — Quel genre d’homme est-ce, le médecin de la prison ?
    — Ne vous tourmentez pas, ce n’est pas un Allemand. C’est un Slovaque, donnant ainsi à entendre que la simple nationalité du docteur était une garantie suffisante.
    Le médecin de la prison entra dans ma cellule, alors que j’étais encore en conversation avec le geôlier. Lui aussi était petit et trapu, il avait également des yeu x gris sensibles et l’expression franche de son collègue de l’hôpital. Il me sourit de façon rassurante.
    — Le docteur Kalfa m’a fait savoir que vous étiez très malade. Je vais vous examiner et je ferai un rapport aux autorités sur votre état.
    Il se mit à m’examiner de façon sommaire. Cependant, pour tout spectateur, l’examen devait sembler complet. Finalement, il se redressa et murmura laconiquement :
    — Vous êtes en bien mauvais état.
    Puis il me tapota l’épaule pour m’encourager et il sortit rapidement de la cellule.
    Une heure après, mes « bons amis », les deux gardiens de la Gestapo, firent leur entrée. À leur expression morose et désappointée, je compris immédiatement que je retournais à l’hôpital. Le plus grand, celui qui donnait les ordres, fut le premier à parler.
    — Alors, tu as foutu dedans cet idiot de médecin, et maintenant il faut te ramener à l’hôpital, hein ?
    Je ne répondis pas.
    Il continua, sarcastique :
    — Monsieur sera-t-il assez aimable pour marcher avec nous jusqu’à la voiture ou monsieur préfère-t-il que nous le portions sur nos épaules, comme un champion ?
    — Je préfère marcher, dis-je froidement, en réfrénant le désir d’écraser mon poing sur son visage moqueur.
    Je ne pus entièrement réprimer un ricanement mais, un moment après, je frémis de mon imprudence. J’avais été provocant. Le plus grand des agents de la Gestapo ne manquait pas d’une certaine perspicacité. Il me jeta un regard de mauvais augure, comme s’il mesurait le degré de défi qui lui était opposé. Heureusement, le petit maigriot surgit entre nous.
    — Je préfère marcher, je préfère marcher, se mit-il à croasser en m’imitant.
    L’autre lui décocha un regard chargé d’un tel mépris et d’une telle aversion que quiconque aurait possédé un épiderme moins épais en aurait été ratatiné. Puis il se retourna vers moi avec ennui.
    — Lève-toi, grommela-t-il. Filons d’ici.
    Mon retour à l’hôpital ne dut pas manquer de comique. Flanqué de ce couple formant un contraste lisible, sale et couvert de pansements, je traversai le corridor. Cependant, ma réception fut extrêmement cordiale. Tandis que nous suivions le couloir, les médecins, les religieuses et les malades souriaient avec sympathie en marquant leurs saluts d’imperceptibles signes de tête, sans oser affronter ouvertement mes chiens de garde. Le visage du grand était rouge de colère, il regardait sévèrement tous les gens que nous rencontrions ; son petit acolyte augmentait sa rage en se pavanant stupidement et en prenant des poses devant tout le monde.
    En dépit du réconfort que me causait l’attitude sympathique de ceux qui se trouvaient autour de moi, l’avenir m’apparaissait toujours aussi sombre et sans issue. Je comprenais qu’avec toute leur bonne volonté, ces Slovaques ne pouvaient courir le risque de m’aider à m’enfuir. Je prévoyais des jours sans fin, passés à simuler la maladie, à m’entendre chuchoter des consolations par les docteurs et les religieuses…
    La routine quotidienne se montra aussi ennuyeuse que je l’avais prévu. Mais le onzième jour après mon retour à l’hôpital il y eut du nouveau.
    Ce jour-là, je somnolais dans mon

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