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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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supplie…
Empêchez-la, empêchez-la… Elle n’est pas mauvaise… La mort de Claire lui a été
intolérable… Et puis celle d’Henriette… Elle s’en accuse, je crois… Elle a
poussé le verrou…
    Un calme de fin du monde envahit
l’abbesse. Elle ordonna :
    — Allez quérir à la hâte trois
serviteurs laïcs. Qu’ils se munissent de haches.
    D’épaisses échardes de bois sombre
volèrent sous les coups. Les hurlements à l’intérieur s’étaient tus. Un des
hommes acheva la tâche d’un puissant coup d’épaule. La porte céda. Plaisance
congédia d’un ton sec les trois serviteurs et les moniales qui s’étaient un peu
écartées, afin d’éviter qu’ils ne se repaissent du spectacle qu’elle redoutait
de découvrir. Elle exigea la présence à son côté de Jeanne Boite.
    Mélisende de Balencourt, nue jusqu’à
la taille, le dos, le ventre et les seins lacérés par les chaînettes dont elle
s’était fustigée avec démence, était évanouie sur le sol de dalles noires. Son
visage baignait dans une mare de vomissures. La révulsion le disputa à la pitié
en Plaisance. Cette dernière l’emporta. Elle s’agenouilla près du corps torturé
et leva la tête vers Jeanne Boite, pétrifiée.
    — Trouvez notre apothicaire,
nulle autre. Qu’Hermione me rejoigne avec des onguents, une bassine d’eau
savonneuse et des linges.
    La moniale la dévisageait, comme si
elle n’avait pas entendu.
    — Allez, vous dis-je !
tonna l’abbesse.
    L’apathie engourdit Plaisance. Elle
se laissa tomber assise sur les dalles. L’idée d’effleurer ce corps décharné et
sanglant la répugnait. Pourtant, elle se contraignit à étendre les jambes
pliées de la grande prieure, à dégager son bras de sous son corps. L’autre
geignit et entrouvrit les paupières.
    Ce regard noir, insondable et
brûlant qui la perçait fit frissonner l’abbesse. Mélisende de Balencourt se
redressa soudain, la faisant sursauter. Un sourire comme elle ne lui en avait
jamais vu, un radieux sourire d’amour, illumina le visage de la grande prieure.
Une main squelettique étreignit le poignet de la jeune fille. Madame de
Balencourt balbutia d’une voix extatique :
    — Ma chérie… Enfin… Oh, j’ai
tant attendu, ma sœur chérie. Mais tout va bien maintenant que te voilà, ma
tendre Élodie. Oh… comme tu m’as manqué. (Son débit se précipita. Un afflux de
salive trempa ses lèvres, dévalant vers son menton.) Je savais… Je savais que
tu reviendrais me chercher, chérie. C’était long, si long et glacial sans toi.
Le temps des anges n’est pas le nôtre, je ne t’en veux pas, je comprends bien.
Aussi, je m’interdisais l’impatience. Tout cela n’est que vilains souvenirs.
Vois, je les oublie déjà puisque tu es là. Un baiser, ma chérie, offre-moi un
baiser et ensuite, nous repartirons bien vite. Je suis si heureuse, si
heureuse, Élodie.
    Et madame de Balencourt tendit la
joue vers la bouche de Plaisance. Et Plaisance baisa la joue fiévreuse, humide
de larmes.
    Mélisende de Balencourt venait de
basculer à jamais dans la folie qu’elle avait côtoyée depuis le meurtre de sa
petite sœur adorée.
    Un infini chagrin suffoqua Plaisance
de Champlois. Elle serra la femme étique contre elle, prenant garde de ne pas
aviver la douleur que lui causaient ses plaies.
     
    Après avoir reçu de la sœur
apothicaire les premiers soins qui lui rendirent un peu de sa dignité perdue,
la grande prieure du cloître de La Madeleine fut transportée à l’infirmerie.
L’abbesse remonta d’un pas las vers ses appartements en compagnie d’Hermione de
Gonvray. L’apothicaire demanda soudain :
    — Quel futur attend madame de
Balencourt ?
    Plaisance soupira.
    — Je l’ignore, ma chère
Hermione. Son état exige l’internement, pour sa propre sécurité.
    — Les maisons de charité qui
accueillent les déments sont le plus souvent d’impitoyables prisons, m’a-t-on
dit. Les insensés y sont traités plus brutalement que des bêtes, et on les y
laisse crever.
    Plaisance ne répondit que d’un
pesant soupir. L’autre insista :
    — Je mentirais en prétendant
que j’éprouve une vive affection pour la grande prieure. Néanmoins, elle
demeure l’une de nos sœurs. Seule une implacable douleur explique…
    — Enfin, Hermione ! la
coupa l’abbesse. Croyez-vous nécessaire de me donner leçon de charité ?
    — Non pas, bredouilla sa fille.
    — Eh quoi ? Allons-nous
garder Mélisende en

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