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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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était
notoire. Les êtres vivaient, souffraient, mouraient sans que jamais elle ne
manifeste le moindre émoi. Toutefois, par fugaces instants, la jeune femme
avait espéré qu’il ne s’agisse que d’une façade. Elle s’en était même ouverte à
Claire, qui l’avait rabrouée gentiment : « Chère Angélique.
Décidément, jamais prénom ne fut si bien porté. Non, la crapaude a le cuir
aussi insensible et épais qu’une vieille rosse, je vous l’assure. Quant à son
cœur, sa vilaine bile l’a digéré depuis des lustres. »
    — Vous savez aussi que nos
relations avec le cloître Saint-Joseph se limitent à l’essentiel, poursuivit la
grande prieure. Si vous y aviez des amitiés d’esprit…
    — Non pas. Rien qui vaille
qu’on s’y attarde.
    La jeune femme conserva le regard
droit. Pourtant, l’idée de ne plus croiser Marie-Gillette d’Andremont la
peinait. Certes, la tendresse de Claire allégeait son chagrin et même
davantage, mais elle percevait parfois chez cette dernière d’inaccessibles
replis. Claire, si désireuse de l’accueillir dans son amitié, se fermait d’un
coup, se dérobait d’une plaisanterie. La pauvre avait dû tant souffrir lors de
son existence d’avant. On ne pouvait lui tenir rigueur d’instants de doute,
voire de défiance. Angélique s’employait à rassurer sa nouvelle amie, à
l’assurer que nulle déception n’entacherait jamais leur lien d’affection. Elle
faisait preuve d’optimisme en la matière puisque la hargne dont la poursuivait
Henriette ne semblait guère s’essouffler. Bah, la jeune femme se moquait de ces
petites mauvaisetés, d’agaçants enfantillages qui finiraient par cesser.
    Mélisende de Balencourt soupira.
Peut-être Angélique Chartier était-elle la dernière épreuve qui lui serait
imposée ? Seul cet espoir ténu lui permettrait d’affronter quotidiennement
sa générosité et sa bienveillance.
    — Vous avez raison, ma fille.
Aucune créature ne mérite que l’on s’y attarde plus que le strict charitable.
Seul Dieu peut réclamer toute notre énergie et notre attention. Vous pouvez
vaquer à vos tâches. Notre sœur apothicaire ne devrait pas tarder. Notre bonne
Hermione se désole. Nous sommes en remarquable santé. Ses simples, ses esprits
et ses décoctions ne trouvent guère preneuses parmi nous. Je l’affirme
toujours : la rigueur de l’ascèse protège de la plupart des maux !
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, fin novembre 1306
    Bien vite engagé, Petit Jean le
Ferron avait peu à peu pris ses habitudes en l’abbaye. Ainsi qu’il l’avait
prévu, le cellier avait gobé sans sourciller la fable du cousin Nicol blessé
lors d’une chasse. Le cuisinier et la sœur organisatrice des cuisines et des
repas, une certaine Clotilde Bouvier, également. Comme à l’accoutumée, son
physique repoussant avait été un allié. Étrange comme les gens qui effleuraient
du regard son visage difforme apprenaient à le redouter et tentaient de se
ménager ses bonnes grâces sans qu’il lui fût besoin de manifester la moindre
agressivité. Quant à sa fonction, il s’en acquittait au mieux, ayant assez
braconné dans son jeune âge pour savoir pister et abattre le gibier.
    Ce soir-là, Petit Jean haletait. Il
avait traîné le jeune daim, abattu peu avant la tombée du jour, sur une bonne
demi-lieue, ne s’arrêtant que pour souffler avant de hisser à nouveau sa charge
sur ses épaules. Il espérait arriver devant les cuisines avant complies*, faute
de quoi il ne trouverait âme qui vive. À son habitude, il ne s’y attarderait
pas. Le Ferron n’ignorait pas que ses départs provoquaient un soulagement que
nul n’aurait eu l’imprudence d’avouer tout haut.
    Il avait rencontré de nouveau, à la
nuit échue, la sœur de son commanditaire. Malgré le grand manteau qui la
couvrait, sa silhouette était appétissante. Une moniale bien gironde, ma foi,
qu’il ne lui aurait pas déplu d’apercevoir dans son plus simple appareil. À
chaque fois qu’il avançait le torse vers elle pour comprendre son impérieux
murmure, elle se reculait d’un pas, quand bien même il lui avait assuré ne pas
souffrir de la lèpre. Au fond, il avait presque été soulagé de son attitude.
Elle le craignait tout en le méprisant. Il y avait quelque chose de si souillé
en elle qu’il avait parfois eu l’envie de la traiter comme une gueuse. Mais
nécessité fait loi, et cinquante livres étaient une plaisante

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