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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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s’était
recouvert la face d’une poudre blanche, à la manière des coquettes de la noble
société. Si j’en crois les confidences d’une dame de mon entourage, les
élégantes usent de graines pilées de manne [139] slave, ou bien de
poudre d’avoine.
    — Quelle est cette fable ?
s’insurgea l’abbesse.
    — Oh, cela n’a rien d’une
fable. À chaque fois qu’elle parlait, je voyais glisser quelques particules de
fine poudre blanche de son visage vers le col de sa robe. Que
voulait-elle ? Nous faire accroire à un émoi durable qui lui aurait vidé
le sang du visage ? Pourquoi cette mascarade ? Quant à l’armoire de l’herbarium
pillée, avouez que l’explication est bien évidente.
    Sa démonstration troubla la jeune
fille qui se tint coite. Mortagne reprit :
    — Nous n’en avons pas terminé.
Qui soupe… soupait aux côtés de votre sous-prieure ?
    — Marie-Gillette d’Andremont
est installée à sa droite, Agnès Ferrand, notre portière, à sa gauche, et
Hucdeline de Valézan se trouve en face d’elle.
    — Eh bien… entendons-les dans
l’ordre qu’il vous plaira.
    Plaisance tourna la tête vers
Bernadine afin de lui enjoindre de les convoquer aussitôt tout en questionnant
le comte :
    — Vous pensez que le poison fut
ajouté durant le repas ?
    Bernadine comprit sans requérir
d’autre explication et disparut.
    — Non pas, votre apothicaire
semblait formelle. De plus, un tel geste eût été bien imprudent… Tant de
témoins possibles. Reste à…
    Il fut interrompu par l’entrée
impérieuse de la grande prieure. Hucdeline brandit un minuscule bout de toile
replié à la manière d’un baluchon. D’une voix altérée par l’émotion, elle
lança :
    — J’ai retrouvé ceci dans le
coffre de mon bureau, ma mère.
    L’abbesse s’en saisit et dévoila
quatre pâtes de fruits d’une belle couleur violine. Elle dévisagea sa fille et
s’enquit, incertaine :
    — Ce sont… des pâtes au miel,
n’est-ce pas ?
    — En effet. Que faisaient ces
gourmandises chez moi ? Je ne les y ai jamais vues. Un affreux doute
m’étreint… Aliénor et moi buvions une infusion. Je l’ai ensuite abandonnée afin
de me rendre à la bibliothèque. Avait-elle apporté ces friandises à mon insu
pour les déguster une fois dans ses appartements ou les lui a-t-on portées
pendant que je m’étais absentée ? Je ne saurais le dire. Cela étant… (Elle
marqua une courte pause et se passa la main sur le front afin de signaler son
émoi.) Je me demande si…
    — Ah mon Dieu… Si elles ne sont
pas empoisonnées, termina pour elle l’abbesse.
    Hucdeline se contenta d’acquiescer
d’un signe de tête douloureux.
    — Avec votre permission, ma
mère, je vais me retirer. La tête me tourne, et je me sens au plus mal.
    — Bien sûr, ma fille.
    Mortagne n’avait pipé mot. Pourtant,
son regard de plomb n’avait pas lâché la grande prieure.
    — J’avoue, madame, que
certaines de vos filles me semblent créatures d’exception, remarqua-t-il d’un
ton léger après le départ de la grande prieure.
    — Dans le cas de madame de
Valézan, votre commentaire est d’une rare pertinence. Je ne sais au juste ce
qui coule dans les veines de cette femme, mais je puis vous assurer qu’elle
n’éprouve pas le moindre chagrin de la mort d’Aliénor de Ludain. Nul être, si
ce n’est elle et son précieux frère dont elle nous rebat les oreilles, n’est
irremplaçable à ses yeux.
    — Jean de Valézan.
    — Le connaissez-vous ?
    — De réputation. À vouloir
grimper trop vite une échelle démesurée, monsieur de Valézan finira tête
par-dessus cul… ou pape.
    — Dieu nous en préserve,
souffla Plaisance.
    Elle baissa les yeux et se mordit
les lèvres de cette intempestive sortie. Valézan était chaque jour plus
puissant et, si l’on en croyait la rumeur, il ne faisait pas bon compter au
nombre de ses ennemis ou de ses simples détracteurs.
    — Je joins mes vœux aux vôtres.
Amen.
    Elle tourna la tête vers lui et le
scruta. Un sourire charmeur découvrit les dents de Mortagne. Il chuchota :
    — Et que vous révèle cet
examen, madame ? Croyez-vous véritablement que l’âme des êtres se devine
d’après leurs visages ?
    Elle hocha la tête en signe de
dénégation. Il poursuivit du même ton de confidence :
    — Les ennemis de mes ennemis
sont-ils véritablement mes amis ? Éternelle question. Vous êtes si jeune.
    — Encore cette réflexion. Si

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