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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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encore
quelques jours, je vous aurais vivement tancé d’oser la formuler. Toutefois,
preuve est que le monde d’avant n’existe plus. L’horreur s’est infiltrée aux
Clairets. Si donc nous ajoutons foi à votre hypothèse, signifie-t-elle que le
ou la coupable récidive ? Et si tel est le cas, avons-nous affaire à un
avatar tout droit sorti de l’enfer ?
    — L’enfer a bon et large dos,
ma mère. Il permet d’expliquer l’inexplicable et surtout l’inacceptable.
Personnellement, tous les avatars diaboliques que j’ai rencontrés de par le monde
étaient désespérément humains.
    — Cela ne se peut, contra
Plaisance qu’une telle notion terrorisait. Peut-être sont-ils d’abord humains,
puis investis par le mal. Il le faut.
    — Je ne suis pas assez versé en
démonologie pour discuter de ce point avec vous. En revanche, je sais ce qu’ont
vu mes yeux. Quoi qu’il en soit, je crois plutôt que nous sommes confrontés à
un plan d’ampleur, initié il y a longtemps et dont une précédente manifestation
s’est soldée par le décès de feue madame Catherine de Normilly. Sans doute se
sentait-elle menacée… Sans cela, pourquoi vous aurait-elle recommandée comme
continuatrice ?
    La jeune fille enfouit son visage
entre ses mains, fouillant son souvenir. Un détail, un mot, un regard aurait-il
dû l’alerter ? Rien ne lui revint. L’arrivée de Marie-Gillette
d’Andremont, escortée par Bernadine, la contraignit à rejoindre le présent.
    La jeune moniale parut surprise de
découvrir le comte de Mortagne assis derrière un pupitre d’écriture, aux côtés
de l’abbesse.
    — Monsieur de Mortagne a la
bonté de m’assister dans ma pénible tâche d’enquête.
    — D’enquête, ma mère ?
Angélique Chartier…
    Dissimulant sa tension, Plaisance la
détrompa d’un ton sec :
    — Il ne s’agit pas de notre
chère Angélique, mais d’Aliénor.
    — J’ai quitté son chevet à
l’instant. Elle souffre. Nous avons bon espoir que les médications que lui
distribuent Marie-Lys notre sœur infirmière et notre savante Hermione…
    — Elles n’auront nul effet, si
ce n’est – je l’espère de tout cœur – le pouvoir d’apaiser un peu ses
tourments.
    — Je ne…, commença
Marie-Gillette, en butant sur ses mots.
    — Aliénor va trépasser. Elle a
été enherbée.
    — Pardon ? Enherbée ?
Cela ne se peut… ici…
    La fin de sa phrase mourut dans un
souffle.
    — Je vous ai fait mander céans
afin que vous me contiez par le détail les instants ayant précédé… le… enfin,
la survenue des premiers symptômes de l’intoxication de notre sous-prieure.
    Marie-Gillette la fixait,
abasourdie, sans réaction. Plaisance répéta sa question, d’un ton adouci.
    — Les détails, ma mère ?
Eh bien… Si peu de chose… Nous avions rejoint nos places attribuées autour de
la table. Agnès Ferrand, notre portière, se trouvait à la gauche d’Aliénor,
Hucdeline de Valézan en face d’elle, quant à moi, j’étais installée à sa
droite. Lorsqu’est arrivé le premier service, une soupe de blettes et de
bourrache, nous nous sommes servies chacune à notre tour et… Mon Dieu !
s’exclama-t-elle soudain, pensez-vous que l’une d’entre nous aurait pu profiter
d’un moment de… pour…
    — Non, si ce que l’on nous a
raconté au sujet du poison utilisé est exact, Aliénor l’aurait ingéré bien
avant le souper. En revanche, je me demandais si… un regard appuyé, une
attention particulière de l’une de nos sœurs aux gestes d’Aliénor ne vous
aurait pas intriguée ?
    — Suggérez-vous que
l’enherbeuse est l’une d’entre nous, et qu’elle aurait surveillé sa proie afin
de suivre chez elle les ravages de la substance ? Il s’agirait donc d’une
meurtrière dont le sang est si froid que j’en ai des frissons.
    L’aisance avec laquelle cette jeune
femme venait de résumer ce qu’il avait déjà déduit ôta ses derniers doutes à
Mortagne, qui intervint pour la première fois :
    — Mille pardons… Je crois avoir
mal saisi votre nom de siècle.
    Elle tourna la tête dans sa
direction.
    — Marie-Gillette d’Andremont.
    — Votre lien avec Urbain
d’Andremont ?
    Elle marqua une seconde d’hésitation
avant de répondre :
    — Un cousin éloigné de sang. Je
ne crois pas avoir jamais eu le bonheur de le rencontrer.
    — Quel regret. Un homme
vaillant. Rien ne vous a donc tiré l’attention durant ce souper, ou

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