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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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peut-être
avant ?
    — J’avoue que non, même en y
réfléchissant.
     
    Claire haletait. Le contact avec ce
corps décharné, martyrisé, lui donnait la nausée. Les plaies récentes s’étaient
rouvertes sous la grêle de coups de discipline. Du sang mêlé de pus gouttait du
dos supplicié sur les marches de la cave. Cramponnant Mélisende de Balencourt
aux aisselles, elle la hissa le long de l’escalier en colimaçon, dérapant sur
les pierres humides. La grande prieure du cloître de La Madeleine était
évanouie. De sa bouche dépassait le linge sale qu’elle y avait fourré plus tôt
afin d’atténuer ses plaintes. Claire ne le lui avait pas ôté. Henriette avait
surpris madame de Balencourt comme elle plaquait sur son torse creux un chainse
souillé, un chainse d’homme récupéré des lépreux.
    Claire luttait contre la répulsion
que lui inspirait cette femme, dont les fustigations ne rachèteraient jamais le
manque de bonté. Hors de souffle, elle parvint à traîner la grande prieure
jusqu’à sa cellule et l’abandonna au pied de son lit, sans bagarrer davantage
pour l’installer sur sa couche. Puisqu’elle cherchait la souffrance, un
inconfort supplémentaire la satisferait sans doute.
    Claire referma la porte en crachant
entre ses dents :
    — Vieille folle ! Pourquoi
tergiverser ? Crève ! Que sais-tu de la véritable souffrance,
mauvaise fée ?
    Elle décida de s’éventer un peu afin
de dissiper l’écœurement qui lui faisait monter la salive dans la bouche, et
sortit dans les jardins du cloître. Elle emprunta l’étroit passage qui menait
aux vergers et aux pressoirs et hésita. Le froid piquant de cette pleine nuit
la lavait des interminables minutes passées dans la cave. Les exigences de la
grande prieure se faisaient de plus en plus fréquentes. Elle n’attendait même
plus la cicatrisation de ses plaies pour réclamer les chaînettes.
    Claire inspira, forçant l’air vif et
léger à pénétrer dans ses poumons. Non, pas la chapelle. Elle avait eu son soûl
d’offices et de génuflexions. Elle progressa lentement en direction de la haute
palissade de châtaignier qui délimitait l’univers des « autres ».
Derrière, se trouvaient les étables et les poulaillers. Plus à droite, la
babillerie réservée aux enfançons abandonnés ou aux orphelins recueillis par
les moniales flanquait l’édifice imposant du noviciat. Le bloc compact dépassait
du carré formé par l’infirmerie et la chapelle Saint-Augustin.
    Le froid la revigorait. Elle
s’apaisait. Il lui fallait rentrer avant l’office de vigiles, qui ne tarderait
plus. Comme à l’accoutumée, et si toutefois d’aucunes prétendaient s’étonner de
l’absence de leur prieure, Claire servirait l’habituel prétexte : madame
de Balencourt souffrait de douleurs de membres qui la clouaient au lit. Les
incessantes mortifications de Mélisende étaient notoires parmi les repentantes.
En revanche, nulle ne soupçonnait leur outrance et encore moins la contribution
de Claire à leur déroulement. Pas même Henriette.
    Elle s’apprêtait à s’en retourner
lorsqu’une ombre furtive débouchant de derrière le noviciat attira son regard.
Elle s’accroupit. Se croyant hors de vue, l’ombre se redressa. Cet homme était
de l’entourage du comte de Mortagne, un mire, lui avait-on confié. L’homme
s’épousseta, se brossa les cheveux de la main et s’élança en direction du
palais abbatial et de l’hostellerie. Claire le perdit de vue.
    Pourquoi rôdait-il ainsi ? Une
visite de malséance à l’une des novices ? En ce cas, il avait perdu le
sens, puisque leur bâtiment était verrouillé au soir et ne s’entrouvrait que
pour les offices. Alors quoi ? Se pouvait-il qu’il soit à la recherche de
la même chose qu’elle ? Les souterrains et leur trésor ? L’homme
s’était défait de poussière, ou de terre.
    Claire réintégra au plus vite le
dortoir et secoua doucement Henriette. Son amie ouvrit des yeux inquiets.
    — Chut… Je crois savoir où se
trouve l’entrée des souterrains. Suis-moi sans bruit.
    Henriette se vêtit à la hâte. Elles
se faufilèrent hors du dortoir, et Claire lui parla de l’ombre qu’elle avait
surprise.
    — Que faisais-tu dehors, à la
pleine nuit ? s’inquiéta Henriette.
    — Une gêne passagère, j’avais
besoin de me rafraîchir les sangs, peu importe, mentit Claire.
    Il était inutile qu’Henriette
apprenne de quelle façon peu ragoûtante

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