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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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elle améliorait leur ordinaire. Une
telle révélation lui gâcherait les jours, et ils n’étaient pas si fastes qu’on
puisse les abîmer davantage.
    Elles avaient partagé la peur, le
froid et la souillarde [140] d’un des échevins d’Évreux qui les avait recueillies lorsqu’elles avaient cinq
ou six ans, Claire n’en était plus certaine. Étaient-elles sœurs, cousines, ou
simples compagnes de misère, elle ne l’aurait pas juré. Le contraire non plus.
Le gros échevin avait dans l’idée de se rémunérer de son noble cœur en les
faisant aussitôt besogner comme des bêtes de somme et un peu plus tard en
exigeant d’elles un délassement de pourceau. Claire, en dépit de ses onze ans
d’alors, s’était rebiffée : « Tu veux te faire reluire la peau du
ventre ? Tu payes ! À moins que tu préfères que je réclame mon prix à
ta bonne femme ? »
    La menace avait calmé le porc
quelque temps. Peu. Claire avait entraîné dans sa fuite une Henriette
terrorisée à l’idée de représailles. Elles avaient repartagé le pain de misère,
les coups, et même la panse des clients de lupanars assez riches pour s’offrir
deux puterelles pour une même détente. Elles étaient progressivement remontées
vers le nord, n’imaginant pas une seconde qu’elles referaient un jour le chemin
en sens inverse. C’était à Paris, alors qu’elle officiait dans l’un des quinze
bordels recensés de la ville, que Claire devait rencontrer celle qui allait
changer leur vie : Nicolette. Nicolette la Rouge portait fièrement sa
crinière d’un feu soutenu qu’elle avivait encore par le choix, pour le moins
braillard, de ses tenues. Aussi connue que le loup blanc entre les portes
Saint-Honoré et Saint-Martin, Nicolette avait commencé sa longue carrière de
fille de joie vingt ans plus tôt. Jugeant qu’elle avait, selon ses termes,
« assez payé du bas-ventre », une idée avait germé dans son esprit.
Rien n’empêchait une femme, surtout une dévoyée, de s’improviser maîtresse bordeleuse.
    Certes, au début, ses
« confères » avaient tenté de l’en dissuader avec des méthodes de
gredins. Toutefois, Nicolette la maquerelle n’était pas du genre à qui on
claque le bec aisément, et fort peu de choses l’impressionnaient encore. Elle
avait engagé de rudes vauriens pour dissuader ses plus tenaces détracteurs.
Quelques discrètes mais sévères bastonnades avaient eu raison des plus
acharnés. Quelques graissages de pattes lui avaient valu la bénédiction des
hommes du prévôt. Cette farouche rouquine de Claire lui avait semblé
d’épaisseur à devenir une recrue de choix pour son établissement. Elle l’avait
rachetée à son entremetteur, allongeant de surcroît le prix d’une Henriette
sans laquelle Claire refusait de travailler pour sa nouvelle souteneuse. En
femme intelligente et habile négociante, Nicolette avait vite compris que
Claire pouvait l’aider à franchir une frontière jusque-là inaccessible à ses
filles, trop communes, trop balourdes. Celle des grands et du pouvoir. Elle
l’avait fait baigner, coiffer, nipper de pied en cap et lui avait enseigné ce
qu’elle savait, un peu de tout, dont le talent de duperie et de chair, sans
oublier un goût marqué pour la comptabilité. Nicolette ne devait jamais
regretter son investissement, du moins durant les cinq années qui suivirent.
Claire apprenait vite. De fillette commune, elle était devenue courtisane.
C’est ainsi qu’elle avait rencontré Jean de Valézan, à l’époque simple évêque.
Claire avait vite senti que ce client-là avait les dents si longues et aiguisées
qu’il finirait égorgé dans une venelle ou tout proche d’un trône, qu’il soit
papal ou séculier. L’avenir devait lui donner raison. Valézan avait rapidement
été nommé archevêque et, beaucoup plus important, avait pris place parmi les
grandes ombres influentes de Rome. Il aimait les traînées obscènes au lit, bien
qu’exigeant des manières délicates une fois relevé. Henriette et Claire lui
avaient offert ce qu’il cherchait.
    Durant le temps de leur
« association », Claire avait fouiné à la moindre occasion, certaine
que le prélat se lasserait un jour de leurs charmes réunis. C’est ainsi qu’elle
avait entendu parler du trésor caché dans les souterrains de l’abbaye des
Clairets. La sœur de Valézan y avait été nommée grande prieure, et en
deviendrait abbesse au décès de madame de Normilly.
    Jean de

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