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Montségur, 1201

Montségur, 1201

Titel: Montségur, 1201 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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était
déformé, tuméfié, écarlate. Le sang de ses lèvres éclatées avait coulé sur son
bliaut. Elle essaya de nettoyer les tâches, hésitant à sortir de la pièce.
    Son bourreau revint à ce moment-là.
    — Viens ! ordonna-t-il.
    — Je resterai ici ! dit-elle.
    — Alors tu passeras la nuit avec moi !
s’esclaffa-t-il. Une nuit inoubliable !
    Elle ne pouvait que céder et elle sortit.
    La chambre d’Amiel était au-dessus de la grande salle.
Ils traversèrent la pièce vide où dormaient les domestiques. Gilabert prit
ensuite le passage vers la plus petite des tours du château. Un escalier
desservait trois salles voûtées, les unes sur les autres. Il s’arrêta devant la
seconde. Habituellement, des gardes dormaient là. La porte avait un gros verrou
de fer.
    — Entre ! gronda-t-il avec impatience.
    Elle fit deux pas. La pièce ne contenait que le
grand lit de bois des gardes avec sa paillasse. L’endroit puait la crasse, la
sueur et l’urine.
    — C’est là que tu vivras, maintenant. Quand
tu accepteras notre mariage, tu retrouveras ta chambre, tes affaires et ta
liberté.
    Il sortit et poussa le verrou.
    Elle resta longtemps immobile, perdue, soulagée
quand même qu’il ne l’ait pas à nouveau battue. La douleur était moins forte
que le désespoir qui l’avait envahie.
    Elle était prisonnière. Pouvait-elle obtenir du
secours ? Elle se raccrocha à ce faible espoir et s’approcha d’une des
trois archères de la pièce. L’étroite ouverture verticale était au fond d’un embrasement
de trois pieds, mais en se hissant elle parvint à distinguer la cour du
château. Il n’y avait personne. Tout le monde devait être à table.
     
    Elle resta longtemps à attendre, puis elle vit les
gens sortir. Elle reconnut Lamothe qui parlait à Brasselas. On avait pourtant
dû s’inquiéter de son absence. Il était impossible que les gens de son mari ne
viennent pas à son aide.
    Alors elle songea à ce qu’avait dit son
beau-frère. Les chevaliers lui avaient prêté hommage devant le comte de Foix.
Elle les connaissait. Ils étaient loyaux et s’ils s’étaient donnés à Gilabert,
aucun ne serait parjure, même pour elle.
    Elle frissonna. Le soir tombait. Elle se tourna
vers le lit. Il n’y avait pas de couverture sur la paillasse sale. Elle prit
conscience qu'elle avait soif. Son regard balaya la pièce. Il n’y avait pas
d’eau. Elle avait aussi besoin de se soulager, mais il n’y avait ni pot ni
chaise percée.
    Elle avait tout perdu. L’homme qui l’aimait, son
château, son état de châtelaine, et ces petits plaisirs de la vie auxquels elle
ne faisait même pas attention : boire, manger, avoir chaud. Elle avait
imaginé être l’égale de ses frères et d’Amiel ; elle s’était lourdement
trompée. Elle était moins qu’une esclave, désormais.
    Devant une telle épreuve, elle ne put retenir ses
sanglots.
    Quand les pleurs eurent apaisé en partie sa
détresse, elle revint au lit et s’assit sur la paillasse. Durant des heures,
elle pria sans trouver le sommeil. Elle avait mal, froid, faim et soif, mais
surtout elle avait peur. L’angoisse lui nouait le ventre. Finalement, peu avant
l’aube, elle s’endormit pour se réveiller au milieu d’un cauchemar dans lequel
Gilabert et Brasselas la battaient.
    On tirait les verrous de sa porte.
    Terrorisée, elle se leva d’un bond et s’aperçut
qu’elle ne pouvait plus ouvrir un œil tant sa joue avait enflé. L’autre était
aussi à moitié fermé. Elle chercha vainement un endroit où se dissimuler.
    C’était une servante accompagnée d’un garde en
broigne de buffle. La femme entra les yeux baissés. Elle tenait un bol de bois
contenant une bouillie de seigle et d’orge.
    — Ma dame, c’est pour vous, fit-elle,
apeurée.
    Amicie s’approcha et prit le bol. L’autre leva les
yeux. Ils reflétaient toute la détresse du monde. Le garde était tout autant
embarrassé.
    Ils allaient repartir quand Amicie parvint à
demander, d’une voix de gorge qui ressemblait au grognement d’une bête
sauvage :
    — Je veux de l’eau, une chaise percée et une
couverture.
    Le garde hocha la tête et sortit avec la servante.
On poussa le verrou.
    Elle mangea la bouillie avec les doigts, sans y
prêter attention. Elle avait encore plus soif. Puis elle se soulagea le plus
loin possible du lit.
    Gilabert allait être son maître. Il l’affamerait,
il la battrait encore, il finirait par la violer et elle serait

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