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Montségur, 1201

Montségur, 1201

Titel: Montségur, 1201 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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s’était passé.
    Après une nuit un peu meilleure, le lendemain
s’écoula tristement. On lui porta une nouvelle bouillie et de l’eau et elle
continua à aiguiser son morceau de bois.
    Le jour suivant, ce fut Ermessinde. Elle prit son
pot, qui sentait mauvais, et lui donna un morceau de pain. Puis elle lui
annonça que Portal était mort. Ses cousins étaient venus prendre son corps et
le château était en alerte, craignant des représailles familiales.
    Il y eut une autre nuit, puis d’autres jours
qu’elle notait plus ou moins sûrement avec des morceaux de bois brisés à partir
de la branche du lit. Elle était parvenue à faire une sorte de rustique
poignard qu’elle attacha dans son dos par un cordon de son bliaut. Si Gilabert
l’approchait, elle le lui enfoncerait dans l’œil, se promit-elle.
    Gilabert revint en effet un matin. Il était seul.
    — Je vois que tu te portes bien !
ricana-t-il.
    Sans lui répondre, elle planta ses yeux dans les
siens avec un mépris infini.
    Il ne paraissait plus si sûr de lui, jugea-t-elle.
    — Es-tu prête à m’épouser ?
    — Quand as-tu vu qu’une femme épouse un
porc ? le tutoya-t-elle avec mépris.
    Elle le vit frémir et eut un frisson de panique,
certaine qu’il allait la frapper. Elle mit ses mains dans son dos, attrapant
son poignard de bois et détachant discrètement le cordon.
    — Mes frères vont venir me délivrer !
annonça-t-elle d’une voix qu’elle voulait ferme. Ils donneront ton corps à
dévorer aux pourceaux après t’avoir crevé les yeux et détranché en
quartiers ! Je serai la première à manger ton cœur !
    Ébahi, il parut déconcerté par son audace et son
animosité. Son regard scruta la pièce, comme s’il y cherchait un allié qu’elle
aurait caché, puis ses traits se durcirent. Il eut une grimace en relevant la
lèvre supérieure, dégageant des canines noires.
    — Dieu me damne ! Qu’espères-tu, la
gueuse ? Je te ferai avaler ton arrogance ! Désormais tu n’auras à
manger qu’un jour sur deux. Je reviendrai dimanche prochain, et je verrai si tu
es toujours aussi fière !
    Il partit en ajoutant :
    — Et si tu ne cèdes pas, Brasselas te fera
changer d’avis, crois-moi !
     

Chapitre 3
    L a
porte fermée, terrorisée et ne pouvant retenir ses tremblements, elle s’effondra
sur le lit. Elle avait huit jours devant elle, mais dans quel état serait-elle
si elle ne se nourrissait pas ?
    Le soir, on ne lui porta rien. Par prudence, elle
avait gardé un morceau du pain qu’elle rongea, affamée. Les deux jours
suivants, elle n’eut qu’une fois de la bouillie et de l’eau. La servante avait
ramené le pot.
    Sommeillant souvent, Amicie ne savait plus depuis
combien de temps elle était prisonnière. Huit jours ? Dix jours ?
Quand elle ne dormait pas, elle passait son temps dans l’embrasure, à regarder
dans la cour. Le temps fraîchit et il se mit à pleuvoir. Malgré la couverture,
elle avait toujours froid.
    Un matin, la porte s’ouvrit et Ermessinde entra en
catimini. C’était le même garde qui l’accompagnait. Elle lui donna un morceau
de pain noir et deux poignées de fèves, puis elle repartit aussi vite.
    C’est le lendemain que vint Espes Figueira. Le
bayle de son mari était seul. Il laissa la porte entrouverte et, comme Amicie
s’approchait de lui, il s’agenouilla et embrassa le bas de son bliaut.
    — Ma dame, je n’ai guère de temps… Le
seigneur part pour Foix, vendredi. Ce jour-là, il y a marché dans la Grand-Rue.
Si vous me protégez plus tard, je vous ferai sortir ; on ne vous
remarquera pas au milieu de la foultitude.
    — M’évader ! Que Dieu te bénisse,
Espes ! Non seulement je te protégerai, mais je te récompenserai !
    — Nous irons à Toulouse en suivant la
rivière. Nous pouvons être en sécurité en deux jours.
    — Je t’attendrai avec impatience. Préviens
Ermessinde, elle m’accompagnera.
    Figueira parut contrarié.
    — J’aime autant pas, ma dame… elle pourrait
vous trahir et me dénoncer, et si le seigneur l’apprend, il me fera écorcher.
    — Elle ne trahira pas. Envoie-la-moi.
    Le bayle avait l’échine souple, aussi
s’inclina-t-il après une ultime hésitation.
    — Je lui parlerai, ma dame, dit-il. Je
viendrai vous chercher avec un vieux saye à coqueluchon [7] . Il cachera votre bliaut et
dissimulera votre visage.
    Ayant vérifié que l’escalier était silencieux, il
partit.
    Pour la première fois depuis

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