Montségur, 1201
accompli. À
courte distance, il n’était pas un mauvais archer ou arbalétrier, mais il
n’aurait pu rivaliser avec Robert de Locksley. En revanche, il avait toujours
été adroit à la fronde, une arme qu’il avait beaucoup utilisée quand il était
jeune, au temps où il n’était qu’un larron sur les chemins.
La pierre partit et atteignit l’homme de Brasselas
sur la pommette droite. Comme il avait un casque à nasal, il fut seulement
étourdi par le coup qui lui brisa l’os. Il vacilla, aveuglé par la douleur.
Guilhem s’était précipité à l’instant où il avait
lâché la pierre. Le couteau à la main, il bouscula son adversaire et lui
trancha le cou. L’autre gargouilla et un flot de sang jaillit par la carotide
et la bouche. Lâchant son épée, il tomba à genoux.
Guilhem ressentit alors un choc violent dans
l’épaule. Puis vint une douleur lancinante. Un carreau tiré par Brasselas
venait de l’atteindre. Sans prendre le temps de ramasser l’épée de son ennemi,
devinant qu’un autre carreau pouvait le toucher à tout instant, il courut se
mettre à l’abri dans les futaies où se trouvait Sanceline. Haletant et à bout
de force, il s’écroula près d’elle.
— Tu es blessé ! fit-elle, horrifiée,
découvrant le sang sur le gambison de cuir.
Le carreau était toujours planté dans l’épaule.
— Oui, prends ce couteau.
Il lui tendit la lame du moine.
— Coupe le cuir du gambison et si la pointe
n’est pas entrée trop profondément, tire-la !
Il s’allongea sur le ventre.
Le vêtement était formé d’une cuirasse de cuir
écarlate doublée d’une épaisse toile matelassée emplie de fils de laine.
Sanceline incisa le cuir, l’écarta, ainsi que l’étoupe intérieure, puis coupa
la cotte de dessous et la chemise de laine, toutes deux ensanglantées. Le fer
du carreau n’était pas enfoncé car on en apercevait l’extrémité. Surtout, il
n’était pas barbelé comme ces viretons crochus qui, en se retirant, arrachaient
les chairs. Ce n’était qu’un pointeau effilé. Se souvenant de ce que Robert de
Locksley lui avait raconté, lors de la mort de Richard Cœur de lion, elle
saisit le morceau de bois à pleine main et le tira vers elle d’un coup sec.
Guilhem ne frémit ni ne gémit.
— La flèche n’était entrée que d’un pouce,
dit-elle.
— Ce ne sera rien, empêche le sang de couler.
L’entaille saignait abondamment. Elle souleva sa
cotte de mailles et la robe qu’elle portait dessous, trancha un morceau de son
jupon qu’elle plia et appliqua sur la plaie, la maintenant un moment.
— Cette blessure est un avantage, dit-il.
— Pourquoi ?
— Ils ont vu que j’étais touché et ils
doivent penser que je suis allé mourir dans un coin, comme une bête. Ils ne
peuvent imaginer que je vais les rejoindre.
— Tu ne peux pas y aller ! Tu es
meurtri, tu saignes de partout et tu n’as qu’un couteau.
— Je ne vais pas abandonner Wolfram et
Alaric. Ton père a aussi besoin d’aide.
— Il ne leur arrivera rien, assura-t-elle.
Pourquoi leur feraient-ils du mal ? Ils veulent l’émeraude, et c’est toi
qui l’as.
— Qui peut savoir ce qu’ils vont faire ?
Aide-moi plutôt à retirer mon gambison.
Malgré son désaccord, elle obéit et lâcha la
compresse. La plaie ne saignait déjà plus.
— Je vais retirer mes habits et tu feras un
pansement solide. Il n’y a pas de temps à perdre. Ils vont venir ici fouiller
mon corps et je devrai me battre. Autant les surprendre.
Il se mit sur le côté et elle défit les
aiguillettes de son vêtement. Au moment de sortir les manches, Guilhem
s’aperçut qu’il traînait toujours la corde de la fronde nouée à son poignet.
Comme la plupart des frondes, l’une des deux lanières se terminait par une
boucle coulissante qu’il avait serrée en la maniant.
Il l’enleva, songeant qu’il avait une arme de
plus.
Ayant baissé le haut du gambison sur sa taille, il
défit le laçage de sa cotte, passa les bras hors des manches et ôta sa chemise.
À nouveau Sanceline souleva son haubert et sa robe
pour couper un autre morceau d’un de ses jupons. Malgré sa douleur, Guilhem ne
put se retenir de regarder les blanches cuisses de celle qu’il aimait.
Elle lui fit un bandage serré en travers de
l’épaule pour empêcher la blessure de saigner à nouveau. Puis elle l’aida à se
rhabiller et ils s’enfoncèrent dans le bois afin de contourner le
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