Montségur, 1201
était, elle fut ensuite conduite dans la chambre des femmes avec sa
servante. Figueira partageant un lit avec les hommes.
Ils partirent à l’aurore après avoir avalé une
soupe. Fatiguée, Amicie marchait lentement, parfois soutenue par sa servante
quand elle trébuchait. Figueira paraissait préoccupé et il ne parla guère aux
Parfaits. Comme les trois fugitifs ignoraient le chemin, ils faisaient
entièrement confiance à leurs guides qui connaissaient les routes et les
sources.
Ils passèrent la nuit suivante dans un moulin à
vent dont le meunier était cathare. Le lendemain, Corona proposa de loger à
Lombez. C’était une petite ville où la plus grande partie de la population
était cathare, en particulier les hommes d’armes et leur seigneur. Ils y
seraient en sécurité dans la maison des Parfaits si Gilabert les poursuivait.
Amicie accepta, même si Figueira aurait préféré qu’ils soient reçus à l’abbaye
proche, ce qui ne surprit guère Amicie, car le bayle avait toujours été un
fervent catholique.
Si le premier jour, ils avaient marché dans la
montagnette et dans des bois touffus, cette journée-là se déroula dans la
plaine et sur un chemin fréquenté par des colporteurs et des chariots de
marchandises. Pour cette raison, malgré la chaleur, Amicie et le bayle
restèrent couverts de leur capuchon, craignant qu’on ne les reconnaisse.
Après une nuit à Lombez, ils furent en vue de
Lamaguère le lendemain dans la matinée.
En découvrant le château de Guilhem, Amicie fut
déçue par sa taille, bien que Corona l’ait prévenue qu’il était beaucoup plus
petit que Saverdun.
Le castel se dressait sur une butte dominant une
vallée bordée de part et d’autre de bois séculaires et d’épais taillis. Une
silhouette massive, en pierre blanche, avec une tour d’angle, entourée d’une
palissade avec un fossé et un pont dormant. Il n’y avait pas de village, mais
une poignée de maisons à l’écart, non loin d’une rivière et d’une église
templière.
Les gardes avaient reconnu les Parfaits Corona et
Pons, car ils ouvrirent la porte de la barbacane de bois. Les réfugiés de
Saverdun entrèrent, empreints de curiosité et d’inquiétude. Allait-on les
recevoir ?
Dans la basse-cour intérieure se dressaient
quelques baraques de planches et de branchages, une grange et une écurie.
Quelques hommes d’armes, en broigne, mais sans casque, se tenaient sur la levée
de terre servant à la fois de chemin de ronde et de renfort à la palissade. Ils
ne portaient que de courtes épées, mais des arbalètes, des épieux et des
rondaches étaient à portée de main.
Au milieu de la cour, sur une éminence rocheuse,
se dressait le château. Un rectangle de pierre haut de trente pieds, large de
cinquante et long de cent. Sa seule entrée était une ouverture voûtée à près de
deux toises du sol, avec une fosse pleine d’eau devant qui servait d’abreuvoir.
Pour atteindre l’entrée, on devait emprunter une estacade en bois avec un escalier
et une échelle.
Deux hommes, l’un en aumusse et le second en
surcot et tablier de cuir, les attendaient. Les deux parfaits les
connaissaient. Celui en aumusse se nommait Aignan le libraire. C’était un
cathare, ancien marchand de parchemins à Paris, que Guilhem avait sauvé du
bûcher. Le second, lui aussi cathare parisien, se nommait Geoffroi et avait
possédé une taverne, rue des Deux-Portes, dans le Monceau-Saint-Gervais.
Pierre de Corona leur expliqua que dame Amicie
avait connu leur seigneur, Guilhem d’Ussel, à la cour de Saint-Gilles. En
fuite, accompagnée de sa servante et d’un intendant, elle demandait
l’hospitalité.
— Notre seigneur est absent, répondit Aignan
avec une pointe d’inquiétude, en observant que la femme avait des traces de
coups. J’ignore quand il reviendra. Je suis le procurateur du château en son
absence.
— Vous me connaissez, Aignan, dit Corona
d’une voix grave, et vous savez pouvoir me faire confiance. Je vous affirme
qu’Amicie est issue d’un des plus nobles lignages du comté de Toulouse et que
ses frères, de nobles seigneurs, suivent les deux principes. C’est une femme
bonne et je ne l’ai jamais vue commettre une mauvaise action.
— Je vous crois, maître Corona, mais ne
puis-je savoir qui vous êtes, noble dame ? demanda Aignan, embarrassé.
— Non, maître procurateur. Je ne peux vous le
dire, car si vous m’accordez l’hospitalité, personne ne doit savoir
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