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Montségur, 1201

Montségur, 1201

Titel: Montségur, 1201 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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tous les maux. Enfin, les terres du domaine pourvoyaient,
et au-delà, aux besoins du château. Les habitants s’habillaient avec la laine
de leurs moutons ; les troupeaux de porcs et d’oies donnaient une viande
abondante ; pois chiches, fèves, fenouils, choux et oignons étaient
cultivés à profusion dans les jardins.
    Ainsi, malgré quelques querelles de voisinage et
les rumeurs qui lui parvenaient sur les disputes entre les comtes, la vie était
douce au bord de l’Ariège pour la jolie châtelaine. Sa seigneurie de Saverdun
s’approchait certainement de ce que devait être le paradis.
    Jusqu’à ce sinistre jour du mois de mai de l’an de
grâce 1201.
     
    La fête de Pâques était loin désormais, et même si
les fleurs couvraient les arbres, il faisait encore froid en ce jour de
Pentecôte [4] .
Amiel était parti chasser avec son frère et ses chevaliers. Il ramènerait
certainement un cerf ou sanglier et, au souper, il y aurait de la viande pour
tous.
    Dans la salle du château, le feu ronflait
joyeusement. Deux esclaves ramassaient la paille souillée après les fêtes pour
la remplacer par des épines de pin et des feuilles de romarin. À une extrémité,
deux vieilles femmes filaient en silence, un enfant emmailloté pleurait à leur
pied. De l’autre côté, Amicie de Villemur, debout devant une sorte de lutrin,
une mine de plomb à la main, notait les revenus de la seigneurie que lui
énumérait Espes Figueira. Elle utilisait un grand livre aux feuilles de papier
épaisses et rugueuses qu’elle avait fait acheter à Toulouse. Fabriqué près de
Valence, ce papier venait d’Espagne et coûtait cher, mais quand même moins que
du parchemin.
    Le bayle de son mari ne savait pas écrire et à
peine compter. Pourtant, c’est lui qui encaissait les cens des tenures, les
péages du pont, les tasques et les leydes. Il travaillait de mémoire, remettant
ensuite les pièces de cuivre et d’argent récoltées à son seigneur qui les
gardait dans son coffre.
    Cette façon de faire ne convenait pas à Amicie qui
avait vu son père procéder autrement. Châtelaine avisée, elle avait aussi
observé à la Salvetat de Saint-Gilles que les clercs et l’intendant du comte de
Toulouse notaient dans des livres toutes les sommes qu’ils recevaient.
Désormais, avait-elle décidé, tout serait écrit et elle saurait en fin d’année
ce que rapportait la seigneurie. Espes Figueira avait grommelé que c’était inutile,
mais il s’était plié à sa décision. Quant à Amiel, il avait approuvé son
épouse, lui demandant également de vérifier que les amendes et les pénalités de
sa justice seigneuriale étaient bien encaissées sans délai. Désormais, c’était
aussi Amicie qui vérifiait les chartes, les baux à cens, les actes de servage,
les mises en gages et les cautions.
     
    Brusquement, une cavalcade se fit entendre dans la
cour. Amicie haussa les sourcils de surprise. Il était bien tôt pour un retour
de la chasse. Des cris retentissaient. Elle reconnut la voix rocailleuse et
menaçante de son beau-frère Gilabert. Puis la porte s’ouvrit et le froid
pénétra. Avec lui entra Brasselas.
    C’était un des chevaliers de Gilabert. Aussi
violent et féroce que lui. La trentaine, de taille médiocre avec un embonpoint
précoce, le visage mafflu et le cheveu rare, il avait un cou de taureau avec de
larges épaules, des bras musculeux et des mains noueuses. Toujours crasseux,
toujours puant, il prenait plaisir à punir lui-même les serfs de son maître en
utilisant une bride de cheval avec laquelle il les flagellait au sang. Amicie
le craignait et l’évitait, tout en sachant combien de telles brutes étaient
utiles aux seigneurs. C’étaient eux qui gagnaient les batailles, maniant hache
et marteau d’armes bestialement, sans fatigue et sans état d’âme.
    Il s’approcha d’elle en boitillant, suite à une
vieille blessure. Son visage barbu et pouilleux était déformé d’une inquiétante
expression de revanche.
    — Dame de Villemur, rocailla-t-il. Il y a eu
un accident.
    Ses larges mains d’ogre pendaient le long de son
corps, comme s’il ne savait qu’en faire.
    Elle eut l’impression que le temps s’arrêtait,
puis elle chancela quand elle vit que Gilabert entrait à son tour, et non son
mari.
    Son beau-frère ne cachait pas combien il était
bouleversé.
    — Amiel ? balbutia-t-elle, en
connaissant déjà la réponse.
    — Mon frère a fait une chute, répondit
Gilabert en

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