Montségur, 1201
marqua une hésitation. Wolfram avait
raison. On pourrait bien les accuser et les emprisonner, ou simplement les
pendre comme des larrons après leur avoir coupé les oreilles. Personne ne
connaissait Wolfram. Quant à Alaric et Sanceline, ils passeraient facilement
pour des routiers dans leur équipement.
Pourquoi ne pas continuer ensemble ?
— D’accord, restez avec moi. Chacun de nous
prendra une mule en longe. En suivant le coteau par le travers, on montera au
sommet et on retrouvera les traces.
Alaric rassembla les peaux munies de boucles et de
courroies qui servaient à attacher les coffres. Ceux qui étaient tombés ne
s’étaient pas brisés et ils parvinrent à les mettre sur le dos de la mule.
Durant ces préparatifs, Guilhem récupéra aussi trois arbalètes et des trousses
de viretons.
Quand tout fut prêt, ils entreprirent de faire
gravir la pente aux mules. La costière n’était pas très haute, à peine une
centaine de pieds, et ils trouvèrent un passage facile qui permit aux hommes et
aux bêtes d’arriver rapidement sur la crête.
Ils se trouvaient dans une forêt de chênes
majestueux, de grands hêtres, de pins et de châtaigniers.
Guilhem examina le chemin en contrebas. Il n’y
avait aucun signe de la troupe de Dracul mais le valaque n’avait aucune raison
de rechercher les femmes et il savait être poursuivi. Lui et ses hommes
devaient galoper à toute bride vers le levant.
Cependant, son instinct lui disait qu’il n’en
était rien. Il songea à nouveau à ce rêve durant lequel il avait traversé
l’enfer. En avait-il terminé ? Il était certain que non. Cela finirait-il
par la mort de Sanceline ? Il éprouvait déjà des regrets pour l’avoir
autorisée à venir avec lui.
— Essayons de passer par là, proposa-t-il en
montrant un passage entre deux arbres pouvant rejoindre les traces des deux
femmes.
Ils avancèrent en file. Guilhem en tête et Alaric
à la fin. Encore couvertes de neige, les branches les fouettaient, déposant une
poudre blanche sur leur haubert. La forêt était silencieuse. Ils arrivèrent
dans une sente où ils découvrirent des empreintes de pieds dans la boue
neigeuse. Ça ne pouvait être que celles qu’ils cherchaient.
En suivant la piste, ils débouchèrent sur un
embranchement. Le sol était rocailleux et les traces avaient disparu. Alaric
remonta une portion du chemin pour trouver de nouvelles marques.
— Pourquoi ne pas les appeler ? demanda
Sanceline pendant qu’ils attendaient.
— Un mauvais pressentiment…
— Lequel ? s’enquit Wolfram.
— L’impression que d’autres sont dans ces
bois… Et puis, il y a autre chose…
— Quoi donc ? interrogea Sanceline en
frissonnant.
— Je n’ai pas eu le temps de te parler
beaucoup d’Amicie…
— Tu m’as dit que vous vouliez vous marier,
répliqua-t-elle d’une voix blanche.
— Je ne lui aurais jamais proposé si tu ne
m’avais pas écrit…
— Ne parlons plus de ça, Guilhem !
fit-elle avec brusquerie, les larmes aux yeux.
— Je dois quand même le faire, car c’est à
cause de ce projet de mariage qu’elle a failli mourir, et qu’elle a reçu le consolamentum .
— Comment ça ? demanda Wolfram,
intrigué.
— Si des frelons se sont attaqués à elle,
c’est parce qu’on lui avait jeté dessus un nid. On a tenté de l’assassiner,
bien qu’elle ne le sache pas.
Sanceline eut une expression d’horreur.
— Pourquoi ? demanda encore Wolfram.
— Parce quelle est châtelaine de Saverdun.
Notre mariage dérangeait celui qui voulait garder ce fief qui contrôle le
passage entre les comtés de Toulouse et de Foix… répondit Guilhem avant de
s’interrompre.
Alaric revenait.
— Seigneur, je n’ai trouvé aucune trace.
— Prenons donc à gauche, le chemin est plus
large et nous risquerons moins une embuscade.
— Cette attaque pourrait-elle avoir un
rapport ? interrogea Wolfram comme ils se remettaient en route.
— Je ne sais pas, nous en reparlerons plus
tard, répondit Guilhem, faisant comprendre qu’il ne souhaitait pas en dire plus
en présence d’Alaric.
Ils poursuivirent près d’une demi-lieue, ne
découvrant aucune empreinte des fuyards.
Ils allaient dans la direction de Sainte-Gabelle
et le sentier, élargi, revenait vers le chemin où avait eu lieu l’attaque.
Guilhem savait qu’un peu plus loin se trouvait l’ermitage Saint-Martin où se
dressait une petite chapelle. S’ils n’avaient rien découvert
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