Montségur, 1201
Andriescu, prends ta selle…
Radu envoya encore quelques bourrades jusqu’à ce
que le prisonnier se retrouve sur le ventre. Le nommé Andriescu étant descendu
de son cheval, il sortit une lanière de cuir de son sac de selle et la tendit à
son compagnon. Radu entrava alors les mains de l’homme dans son dos, serrant le
lien jusqu’à faire saigner les poignets.
Pendant ce temps, Andriescu détachait les sangles
et les sacoches du bât. Puis il saisit la lourde selle de bois recouverte de
cuir et, s’approchant du prisonnier, il la lui posa sur le dos, comme s’il
était un cheval. Ensuite il s’assit dessus afin de l’empêcher de bouger.
Dragu avait repéré un endroit où le sol paraissait
meuble. Avec un large couteau qu’il portait en travers du torse, il entreprit
de creuser un trou. Radu vint l’aider, puisque le prisonnier ne pouvait pas
bouger. Ils firent ainsi une fosse d’environ deux pieds, puis rassemblèrent des
pierres.
Le prisonnier pleurnichait et suppliait en
gémissant, épouvanté à l’idée de ce qui allait lui arriver.
Toujours sur son cheval, le comte Dracul regardait
la scène, le visage d’une incroyable dureté.
— Tu vas subir le supplice des voleurs,
l’empalement, dit-il quand tout fut prêt, mais tu peux encore éviter la douleur
en disant la vérité.
— Pitié ! hurla le malheureux.
De façon hachée et désordonnée, il raconta comment
il avait commis le vol, pendant la chasse du lendemain de Pâques. Il était
tellement terrorisé, qu’il poursuivit en avouant tous les autres méfaits qu’il
avait commis. Et comme Dracul ne disait rien, il chercha d’ultimes confessions
à faire et en vint à Conrad de Tannhäuser, dont il décrivit la fin.
Mais à part ce dernier crime, il n’apprit rien
d’intéressant au compte Dracul qui fit signe à Radu de commencer.
Radu avait préparé une autre lanière qu’il passa
autour de la tête du supplicié. Elle lui pénétrait dans la bouche, la forçant à
rester ouverte et empêchant le malheureux de hurler. Il la serra, puis il
appuya fortement sur le cou. Andriescu était allé détacher une des masses
d’armes, sur un cheval, tandis que Dragu se mettait entre les jambes du
prisonnier où il présenta la pointe arrondie du pieu devant son fondement.
À l’autre bout, Andriescu frappa alors sur le pal
avec la masse, l’enfonçant dans les entrailles.
Le prisonnier se raidit dans une convulsion. Il
tenta en vain de hurler tandis que sortait un flot de sang de son ventre. Puis
il s’évanouit de douleur.
Andriescu frappa alors encore plusieurs fois,
faisant pénétrer le pal de près d’un pied. Ensuite les trois valaques
relevèrent le corps sanguinolent et le transportèrent par le pal qu’ils
plantèrent dans le trou préparé. Ils le rebouchèrent avec les cailloux et de la
terre pour que le pieu reste bien droit.
Les pieds du supplicié étaient à deux pieds du
sol. Le poids de son corps ferait progressivement et lentement pénétrer le pal
qui finirait par ressortir sous l’aisselle, au niveau du menton ou de la bouche,
au bout d’un jour ou deux.
Ce serait le temps nécessaire pour que la
délivrance de la mort arrive, car entre-temps, le voleur aurait repris
conscience et souffrirait toutes les douleurs de l’enfer.
Andriescu récupéra la selle avec indifférence, resangla
le cheval et raccrocha la masse. Les quatre cavaliers s’enfoncèrent dans la
forêt.
Guilhem n’était pas surpris. Après le gémissement,
il s’attendait à découvrir quelque supplicié et il craignait que ce soient les
femmes. C’est donc avec soulagement qu’il vit que le mort était un homme.
Par contre, Wolfram et Alaric restèrent stupéfiés
par ce nouveau crime. Non par l’horreur de ce qu’ils voyaient, car ils avaient
connu la violence des batailles et ils connaissaient les tourments que les
vainqueurs aimaient à pratiquer sur les vaincus, mais parce qu’ils ne
comprenaient pas.
Quant à Sanceline, qui s’approcha la dernière,
elle éprouva une épouvante sans nom.
— Au moins, on sait que le comte Dracul est
passé par là, remarqua Guilhem d’un ton égal.
Derrière la chapelle en construction et la cahute,
la forêt n’avait pas été défrichée. L’ermite n’avait débroussaillé et déboisé
qu’un petit jardin.
— Il faut soigner cet homme, décida
Sanceline, s’apprêtant à descendre de cheval.
— Ne bouge pas ! ordonna Guilhem. Il est
mort et personne ne peut
Weitere Kostenlose Bücher