Montségur et l'enigme cathare
lumineux domaine des Essences supérieures, et qui
n’aspire qu’à retourner d’où elle vient. Cela devient une constatation générale
dans le monde hellénistique dominé bientôt par Rome : l’univers est malade,
soumis à des puissances mauvaises ; la matière est une création inférieure,
mais l’âme qui est d’essence divine appartient à un autre monde qui est bon. En
passant de l’ontologie la plus subtile à la philosophie réaliste, le conflit
primordial entre les deux principes constitutifs du monde devenait une doctrine
dualiste au premier degré qui pouvait permettre aux gens de bonne foi de
trouver un sens à la vie. Mais non d’en découvrir l’explication. D’intellectuelles
qu’elles étaient, les perspectives mazdéennes, en s’adaptant à l’époque et aux
préoccupations humaines, étaient devenues une suite de conseils pratiques en
vue d’une régénération par la liturgie, l’ascèse et le renoncement, ce qui n’apparaissait
pas chez Zoroastre.
On retrouve ce dualisme dans un système religieux qui connut,
à la fin de l’Antiquité, une grande faveur et se répandit en Europe occidentale,
colporté la plupart du temps par des légionnaires originaires d’Orient : le
culte de Mithra. Dans les débuts du Christianisme, le culte de Mithra était si
important qu’il s’en est fallu de peu pour qu’il ne supplantât le culte chrétien.
Il y avait en effet un certain parallélisme entre la doctrine évangélique et
celle des zélateurs de Mithra, et les options fondamentales en étaient presque
identiques.
Mithra emprunte son nom à la théogonie indienne primitive, celle
des Aryas. On sait par exemple que la société archaïque indo-européenne
fonctionnait autour d’un couple sacré formé par les dieux Mithra et Varuna, le
second représentant la puissance spirituelle et magique, le premier le pouvoir
temporel, guerrier et juridique. Cela correspond à l’image idéale d’une
structure sociale, représentée dans le monde celtique par le couple druide-roi,
et projetée sur le monde divin comme une sorte de modèle archétypal. Le Janus
des Latins, le dieu aux deux visages, mais également le dieu des commencements,
offre quelque chose de commun avec ce couple mythologique.
Mais ce n’est pas à cause de cela que le mithraïsme contient
des éléments dualistes. Il n’y a jamais antagonisme ou lutte entre Mithra et
Varuna : ce sont les deux visages d’une même réalité, et les idées de Bien
et de Mal n’y ont aucune part. Mithra et Varuna utilisent simplement des moyens
différents pour un but unique. D’ailleurs, le Mithra d’Asie Mineure n’a plus
grand-chose à voir avec le dieu indien : il est beaucoup plus proche de
Dionysos ou d’Orphée, beaucoup plus proche d’Ahura-Mazda, et aussi de
Jésus-Christ.
En effet, le culte de Mithra symbolise la régénération physique
et psychique par l’énergie du sang, versé lors du sacrifice rituel du Taureau, puis
par l’énergie solaire, qui est la suprême Lumière visible, et enfin par l’énergie
divine subtile et ineffable. Cette régénération suppose une chute, une dégénérescence :
les êtres sont en effet prisonniers d’une matière impure ou imparfaite, et il
est du devoir des humains de contribuer à parfaire tout ce qui existe. C’est
donc une lutte constante des Fils de Lumière contre les puissances de l’Ombre, qui
peut rééquilibrer un monde perturbé et en proie à la souffrance physique et
morale. Le croyant est invité à lutter par tous les moyens contre ces
puissances de l’Ombre, c’est-à-dire contre le Mal, pour faire triompher la
vérité, la pureté spirituelle, le don de soi et la grande fraternité
universelle des êtres et des choses.
Mithra apparaît alors comme une figure légendaire qui devient
le modèle absolu de l’action humaine. Il est le distributeur de l’énergie
vitale, le souverain des armées, le garant de la pureté du jour. Il est le Sol invictus , c’est-à-dire le Soleil invaincu, celui
qui meurt tous les soirs et qui renaît chaque matin. Il est à l’origine de tout
ce qui vit et joue également le rôle de démiurge. On le représente sous la
forme d’un héros – ce qui deviendra bientôt le héros solaire, ou héros de
culture – qui égorge un taureau, symbolisant le premier être vivant, dont le
sang répandu a donné naissance aux végétaux et aux animaux. Parfois, Mithra se
reconnaît sous une forme héracléenne, un être
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