Montségur et l'enigme cathare
de façons bien divergentes. Et cela va durer pendant quelques
siècles au cours desquels, après la reconnaissance officielle de la religion
chrétienne par Constantin, puis après l’édit de Milan qui en fait la religion
de l’Empire, on va commencer à traiter ceux qui ne sont pas en harmonie avec
Rome de déviationnistes et d’ hérétiques . On n’en
est pas encore à l’Inquisition, mais les germes de la répression apparaissent
déjà. Ils vont trouver un terrain favorable à leur développement.
Parmi ces divers courants de pensée, qui tous récupéraient
des notions anciennes provenant des religions dites païennes ou qui
empruntaient franchement à la philosophie, les Gnostiques vont se tailler une
part considérable.
Ce que l’on appelle aujourd’hui le gnosticisme , du mot grec gnosis qui signifie « connaissance », est le résultat d’une rencontre
parfois tumultueuse entre trois traditions essentielles, le christianisme, bien
entendu, le mazdéisme zoroastrien et la philosophie grecque de source
platonicienne ou néo-platonicienne. Ce gnosticisme ne constitue pas une
religion en soi, encore moins un bloc monolithique : on a pu dénombrer de
soixante à quatre-vingts écoles qui se réclamaient de ce courant de pensée. Certes,
il existait, entre ces écoles, des différences sur les méthodes et les points
de détails, mais toutes se rattachaient à une direction d’idées qui en font un système
parfaitement spécifique.
La tendance qui s’affirme, c’est le refus d’attribuer à Dieu
la création du monde matériel qui est la cause première de l’existence du Mal. Les
Gnostiques étaient donc des Chrétiens qui se souvenaient des enseignements des philosophes
grecs et qui, parce que Dieu ne peut être que parfait, retranchaient le Mal de
la création divine. Entre le monde immatériel, séjour et royaume du Dieu bon – qui
ressemblait donc au monde des archétypes de Platon – et le monde matériel, sensible,
œuvre imparfaite de Satan, ils supposaient l’existence d’un ou de plusieurs
mondes. Ce monde intermédiaire était peuplé de demi-dieux, ce qu’ils nommaient
les éons : c’étaient des êtres qui participaient
à la fois de la nature divine et de la nature humaine. Or Jésus était un de ces éons , ce qui, évidemment, constitue
une affirmation hérétique : mais à l’époque,
on discutait âprement sur la question de savoir si Jésus était un humain élevé
au rang des dieux, ou si c’était un dieu incarné, et la réponse officielle n’avait
pas encore été donnée.
La position des Gnostiques est avant tout une position de
synthèse : ils refusaient d’établir un fossé entre le message évangélique
et la pensée humaniste des philosophes grecs et prétendaient à une continuité
dans l’évolution de l’esprit humain. Ils affichaient une grande méfiance
vis-à-vis des livres bibliques de l’Ancien Testament dont ils rejetaient tout
ou partie. Sur le plan de la religion vécue, on observait une grande diversité
de pratiques. Certaines sectes recommandaient l’ascétisme le plus rigoureux
pour parvenir à une purification totale de l’être. D’autres, au contraire, prenant
appui sur l’affirmation que la chair est création satanique, voulaient en
quelque sorte brûler celle-ci en allant jusqu’au
bout de ses possibilités vers un anéantissement total. Cette dernière
conception allait engendrer toute une série de pratiques plus ou moins magiques,
de nature sexuelle et menant jusqu’à la débauche la plus décriée par les
spectateurs contemporains qui n’en comprenaient pas le sens exact. De fait, cette
catégorie de Gnostiques est allée très loin dans ce domaine, mais la
dépravation apparente cachait de profondes motivations et se trouvait justifiée
par elles.
En tout cas, c’était une révolution qui permettait de
libérer la pensée de l’histoire telle qu’elle avait été conçue jusque-là, de l’Ancien
Testament, ressenti comme le patrimoine exclusif du peuple juif et comme tel
suspect de détournement ou d’altération, et enfin de la froide cosmologie
grecque qui prétendait expliquer le monde scientifiquement. Cette forme de
pensée, si variée dans ses manifestations, se répandit dans tout le
Proche-Orient et domina largement Alexandrie, qui en fut la véritable capitale,
ainsi que Babylone et la plupart des grandes villes. Les communautés gnostiques
réunirent des savants et des érudits qui
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