Montségur et l'enigme cathare
répandu dans une partie du monde
hellénistique. Plutarque, qui fait allusion au mazdéisme, le présente sous sa
forme zervaniste. Cette doctrine a d’ailleurs fortement marqué le mithraïsme, et
par-delà les autres religions qui se sont succédées, y compris le christianisme.
Il est à l’origine de ce qu’on appellera plus tard le dualisme mitigé , dans lequel les deux principes du
Bien et du Mal n’existent pas par essence, puisqu’ils ne sont pas indépendants,
dérivant tous deux d’un principe souverain antérieur et unique. Mais dans l’optique
de tous ceux qui ont professé le dualisme mitigé, le monde sensible, la matière
et les êtres corporels sont toujours l’œuvre du principe du Mal, autrement dit
de Satan. C’est ce que nous retrouvons dans le catharisme. Mais il faut bien
reconnaître que la doctrine zervanienne était un compromis fort habile entre le
monisme et le dualisme proprement dit, et en dernière analyse la reconnaissance
d’un monisme absolu qui provoque l’apparition d’un dualisme relatif.
III
LE MANICHÉISME
Les premiers temps du christianisme ont été marqués par une
étonnante prolifération de sectes de toutes natures, de toutes origines et de
toutes opinions. Cela tient d’abord à ce que l’époque était une période où, dans
le monde méditerranéen, les anciennes valeurs s’effondraient et que les peuples
commençaient à ressentir une profonde angoisse métaphysique. La religion
officielle de Rome n’était plus qu’une suite de rituels d’ordre politique, et
personne ne croyait plus aux dieux d’un Olympe que Prométhée avait contribué à
ébranler par un excès de rationalisme. La religion grecque s’était fondue dans
les religions à mystères qui se développaient de part et d’autre de la mer Égée.
Le mithraïsme gagnait les rives du Rhin, emporté dans les bagages des légions. Le
druidisme se réfugiait dans les forêts, à l’écart des grandes voies romaines où
commençait à se manifester une certaine persécution. Dionysos envahissait les
rues de Rome par bacchanales interposées. Dans cet invraisemblable brassage de
populations et d’idées, plus personne ne s’y retrouvait.
C’est alors que fut répandu le message christique. Il eut du
mal à pénétrer les consciences, et il faut bien dire qu’au tout début, le
christianisme n’était qu’une petite secte au milieu d’une quantité d’autres
guère plus importantes qu’elle et plutôt moins que celle des fervents d’Isis et
d’Osiris. De plus, il serait stupide de présenter le christianisme primitif
comme une religion organisée et détentrice d’une doctrine. Le christianisme, au
premier siècle de notre ère, c’était avant tout la diffusion très restreinte d’un
message. Et ce message était reçu très différemment selon les cas, selon les
classes sociales, selon les lieux et selon les usages locaux. Le dogme était
loin d’être fixé. Le rituel était très vague, la structure inexistante : seules
des églises locales, groupées autour d’un missionnaire, pas forcément d’un
disciple de Jésus, ou d’un « ancien », autrement dit un « prêtre »
(le mot grec presbutos signifie « ancien,
vieux »), prenaient forme çà et là, mais surtout en Asie Mineure. Les
Juifs avaient été dispersés dans une « diaspora » qui n’allait pas
cesser de sitôt, et les autorités avaient tendance à considérer les Chrétiens
comme des Juifs dissidents. Du reste, la séparation entre judaïsme et
christianisme n’était pas encore très nette, et des apôtres comme saint Paul
combattaient vigoureusement cette idée de judaïté que saint Pierre continuait à
mettre en valeur, prétendant même qu’on ne pouvait devenir chrétien si l’on n’était
pas d’abord juif. Tout cela représente un état confusionnel comme jamais l’humanité
n’en a connu.
C’est dire que le message christique va être interprété bien
différemment par les uns et les autres. C’est dire que vont se multiplier, à l’intérieur
même de ce qu’on commence à appeler le peuple chrétien, un nombre considérable
de sectes, et que ces sectes vont, en s’organisant, devenir des groupes à part
entière, parfois sans rapports directs avec les autres groupes. La première
conséquence est une dispersion géographique. Mais la seconde conséquence, qui n’est
pas moins importante, c’est que le message va se trouver commenté, trituré et
finalement altéré
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