Morgennes
paroles.
— Quels sont ces c-c-cris ?
Plus bas, dans la rue, des centaines de personnes manifestaient bruyamment contre l’ouverture de plusieurs étuves, qu’elles accusaient d’être des lieux de débauche et de propager la vérole.
Amaury ne put s’empêcher de rire.
— Qu’ils manifestent ! Au moins, ça les occupe !
— Me direz-vous pourquoi le roi de France…, commença Guillaume.
— J’y viens ! fit Amaury. C’est à cause d’Aliénor. Tu sais certainement que lors de sa venue ici, en Terre sainte, le roi Louis VII était accompagné de sa jeune épouse, la belle Aliénor d’Aquitaine.
— Bien sûr, fit Guillaume. C’est un fait connu de tous.
— Certes, mais savais-tu qu’Aliénor avait le con vindicatif ?
— Hum, fit Guillaume. J’ai effectivement entendu bien des rumeurs à ce sujet, mais je ne les ai écoutées que d’une oreille. Et encore très, très distraite.
— Si tu avais mieux prêté l’oreille à ces ragots, tu serais arrivé au fondement de la p-p-politique, si j’ose dire. Échaudée par son Louis de mari, Aliénor a fauté avec le pire ennemi de celui-ci…
Guillaume, frappé de stupeur, s’arrêta de marcher, tandis que les manifestants montaient vers eux.
— Avec qui ? demanda-t-il.
Amaury répondit quelque chose, mais si bas que Guillaume ne l’entendit pas.
Finalement, Amaury fit un geste et hurla :
— Rendons-nous au p-p-palais, nous p-p-poursuivrons notre conversation là-bas.
Les deux hommes se turent, et se laissèrent dépasser par la foule – qui ne fit pas plus cas de leurs personnes que s’ils avaient été deux inconnus. Une fois le calme revenu, alors que ne restaient plus dans la via dolorosa, qui menait du Saint-Sépulcre au palais, que des lambeaux de vêtements, des chiens errants et quelques lépreux en route pour la maladrerie de Saint-Lazare, Amaury invita Guillaume à monter sur Passelande.
— C’est un bon cheval. Tu dois être fatigué, or je tiens à t’épargner. Ce que j’ai à te dire réclame toute ton attention. Aussi, je te veux frais comme un g-g-gardon, quand nous serons au p-p-palais !
Guillaume commença par repousser l’offre du roi, mais finit par accepter – car il est fort impoli de refuser ce qu’une Majesté vous offre.
Une fois au palais, qui se trouvait dans le bas de la ville, non loin de la principale enceinte, Amaury conduisit Guillaume dans les souterrains – où diverses expériences étaient en train d’être menées. L’une d’elles consistait à autopsier une personne récemment décédée, afin d’en trouver l’âme. Mais les médecins d’Amaury, pour doctes qu’ils fussent, et malgré toute leur science, revenaient toujours bredouilles. Amaury les soupçonnait de ne pas ouvrir les corps – ce que leur religion interdisait.
— La prochaine fois, je ferai ouvrir les morts par mes g-g-gardes, et donnerai l’ordre à Soleïman ibn Daoud de les disséquer, autrement c’est de l’âme de son fils dont ce culvert de païen aura à se soucier !
Cette sortie contre le médecin particulier d’Amaury s’ajoutait aux nombreuses algarades dont l’éminent toubib avait eu à souffrir – mais Amaury aimait trop Soleïman ibn Daoud pour mettre ses menaces à exécution, et ce dernier savait à quoi s’en tenir.
— Quel d-d-dommage, en tout cas, poursuivit Amaury, que le roi de France n’ait pas daigné répondre à mes missives, car j’étais prêt à lui offrir la souveraineté sur Le Caire et toute la vallée du Nil – à l’exception de Bilbaïs, depuis toujours réservée aux Hospitaliers. Mais, je comprends… Il a dû trouver la Terre sainte d-d-doublement infidèle. Non seulement parce qu’elle s’est refusée à lui, mais aussi parce qu’elle lui a pris son épouse, celle dont il était follement amoureux, et qui depuis s’est remariée, avec Henri II d’Angleterre. Comme il doit souffrir ! Si j’étais un roi cruel, je suivrais ton c-c-conseil. Je lui écrirais une fois encore, afin de remuer le couteau dans la plaie. Mais je ne suis pas ce genre de roi.
— Les Hospitaliers vous pressent d’attaquer, et les chevaliers du royaume les soutiennent. Alors, que comptez-vous faire ?
— Rien.
— Majesté…
— Sache, mon bon Guillaume, qu’il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne f-f-finisse par régler.
— Majesté, il est ici question de politique !
— J’entends bien !
Sur ce, Amaury ouvrit une
Weitere Kostenlose Bücher