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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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princesse qu’il avait pour mission de ramener à Amaury.
    Autrement dit, de sa future reine.
    N’osant pas bouger, ne voulant pas troubler cet instant, il resta un certain temps à l’observer. Des oiseaux voletaient auprès de la jeune femme, ou venaient se dégourdir les pattes sur la margelle du puits où elle était assise. Leurs pépiements étaient comme une conversation, et quand elle tirait sur les fils de sa broderie, on aurait dit un trille en réponse à ceux des oiseaux. Alors, ils gagnaient le couvert des arbres, où ils continuaient de gazouiller.
    Morgennes repensa à la femme du comte de Flandre, Sibylle. Elle aussi avait vécu enfermée. Mais elle l’avait choisi. Alors que cette jeune femme, à l’aube de sa vie, n’avait jamais rien connu d’autre que son Coffre, aussi luxueux soit-il… « Allons, ressaisis-toi ! », se dit-il soudain. « Oublie ce que tes yeux te montrent ! Tu n’es pas venu ici pour toi ! »
    Il était ici pour Amaury, et pour Amaury seulement. Pourtant, il se sentait comme le Tristan des contes de Béroul et de Chrétien, qui en mission pour son roi tombe amoureux de la belle Yseut. Et s’il repartait ?
    Alors il regarda sa torche, et vit que sa flamme était tournée vers la jeune femme. Se pouvait-il que ce fût elle que, dès le départ, le feu lui eût désignée ? Oui, c’était possible. Il s’avança, se sentant aussi nu qu’au jour de sa naissance, malgré la présence de la lourde chaîne qu’il portait à la main. Ses pieds firent crisser les gravillons, et il vit la jeune femme s’arrêter de broder, relever la tête et poser ses travaux de couture sur sa robe. Ses mains ne couraient plus, elles étaient désormais immobiles, bien à plat sur ses genoux. Il progressa encore de quelques pas, torche levée. La lumière tombait sur la jeune femme, et se perdait dans les plis de ses vêtements, jetant sur son voile un nimbe de mystère, une auréole dorée.
    Il resta là, sans bouger. S’il avait fait un pas de plus, et tendu le bras, il aurait pu la toucher. Mais il demeurait immobile, se demandant que dire. Ce fut elle qui rompit le silence :
    — Êtes-vous venu me prendre une autre mèche de cheveux ?
    Morgennes sursauta. Il n’avait pas pensé qu’elle pourrait lui parler la première.
    — Pas du tout ! Je suis venu…
    La jeune femme le regardait, plongeant ses yeux étonnamment bleus dans les siens. Elle avait l’air d’un petit animal acculé, prêt à se battre jusqu’à son dernier souffle.
    — Je suis venu pour vous sauver ! dit-il d’une traite, en récitant les paroles de saint Georges à sa princesse.
    — Vous ? Mais vous êtes mon geôlier !
    — Moi ? Pas du tout !
    Il s’agenouilla aux pieds de sa future reine. Il pouvait voir l’ouvrage auquel elle travaillait. Il s’agissait d’un fin voile de lin, d’une couleur uniformément noire, orné de franges d’or. Un tissu d’une incroyable beauté.
    — De quoi – ou de qui – êtes-vous venu me sauver ?
    — Du dragon !
    — Quel dragon ? Il n’y en a pas ici.
    — Il est à l’extérieur, dans le labyrinthe…
    — Ah, je comprends, fit la jeune femme. Mais non, vous vous trompez. Il n’y a pas de dragon. Ces bêtes-là n’existent plus… Ce que vous avez pris pour un dragon, c’est le labyrinthe lui-même.
    — Alors, vous connaissez cet endroit ?
    — Un peu. Puisque c’est de là que viennent mes geôliers.
    — Je croyais qu’ils n’avaient pas le droit de vous visiter ?
    — Qui les en empêcherait ? D’ailleurs, ils ne viennent pas souvent. J’ai ici tout ce qu’il faut pour broder, et ce jardin me donne assez de nourriture…
    — Alors, pourquoi viennent-ils ?
    — À votre avis ?
    — Pour vous contempler, vous êtes si belle…
    Morgennes s’interrompit brusquement, et baissa la tête :
    — Pardon, ma reine.
    Loin de paraître offusquée, la jeune femme lui demanda :
    — Mais enfin, me direz-vous qui vous êtes ?
    — Je m’appelle Morgennes, répondit-il en relevant la tête. Et je suis venu pour vous sauver.
    La jeune femme le regarda, mi-amusée, mi-troublée.
    — Je m’appelle Guyane, dit-elle.
    — À votre service !
    — Puis-je savoir qui vous envoie ?
    — Mon roi, Amaury I er de Jérusalem. Mais nous parlerons de tout cela plus tard. Maintenant, il faut partir !
    La jeune femme frémit.
    — Ne vous inquiétez pas, dit Morgennes. Je suis là !
    Il y eut un mouvement dans le fond

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