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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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recherche des sources du Nil. On dit qu’ils ont trouvé des marécages… Probablement tout près d’ici…
    — Morgennes ! Viens voir !
    Morgennes, qui s’était agenouillé pour mieux observer le soldat romain, se releva et regarda dans la direction que lui indiquait Dodin. Un pan de brouillard lui cachait la vue – mais il percevait, provenant de l’autre côté, le grondement d’un fleuve s’écrasant sur des rochers.
    — Ce doit être par là ! En avant !
    Les deux hommes plongèrent dans un mur d’ombre et de brume, où ils progressèrent pendant un long moment. Enfin, ils débouchèrent sur un spectacle à faire pleurer les dieux eux-mêmes : le Nil tombait d’immenses falaises semblables à d’imposants dragons de pierre. Elles étaient si hautes qu’à côté d’elles, même les plus grands arbres ressemblaient à de frêles arbrisseaux.
    — La première des six, dit Morgennes, qui se rappelait avoir lu qu’une série de six cataractes, toutes plus formidables les unes que les autres, séparaient Crocodilopolis des marécages de « Noir Lac », où la piste des sources du Nil se perdait.
    — Ne me dis pas, souffla Dodin, qu’ils ont réussi à passer par ici, et à faire monter l’Arche jusqu’en haut !
    — Allons voir ! haleta Morgennes.
    — Garde-toi ! cria Dodin.
    Un mouvement dans l’eau avait attiré son attention. Des crocodiles ! Pareils à d’inoffensifs troncs d’arbres, ils se laissaient dériver vers le rivage, en direction des deux hommes. Pourtant, des restes de jambes, de bras et de torses, mélange de chairs pourries et d’os à moitié broyés, laissaient penser qu’ils avaient déjà fait bombance.
    — Depuis combien de temps sont-ils là ? demanda Dodin, qui ne bougeait pas d’un cil comme le lui avait conseillé Morgennes.
    — Quel étrange endroit, dit Morgennes. On dirait que les temps s’y mélangent. Ces corps sont certainement vieux de plusieurs mois, or on les dirait frais de la semaine dernière. Quant à la forêt, c’est comme si elle s’était reconstituée en une nuit. Regarde, on dirait même qu’elle n’a pas souffert, du passage de l’Arche…
    — C’est la forêt des dieux ! Ils vont nous tuer !
    — Mais non, ou ils l’auraient déjà fait. En revanche, là où je suis d’accord avec toi c’est qu’à moi aussi elle me paraît divine.
    D’ailleurs, cette forêt lui en rappelait une autre : celle qu’il avait vue dans ses rêves, au Caire. Une forêt qui ressemblait à un marécage grouillant de reptiles et de papillons noirs et blancs.
    — Que fait-on ? demanda Dodin.
    — On ne peut plus reculer sans tomber sur les hommes de Saladin. Je pense qu’il faut continuer, et retrouver Gargano, Nicéphore, Philomène et tous les autres.
    — À moins qu’ils ne soient là, sous nos yeux…
    Comme pour répondre à leurs questions, un crocodile sortit de l’eau et ouvrit grande sa gueule vers eux. Entre ses dents, Morgennes aperçut un bout de bois doré couvert de tissu – le bras d’un des pantins fabriqués par Philomène, le bras du chevalier saint Georges.
    — Là-bas, dit-il en s’arrachant à la boue avec un bruit de succion. J’ai l’impression qu’il y a une sorte de cheminée, creusée dans la roche.
    Il conduisit Dodin au pied de la cascade, et lui montra une faille ouverte dans la pierre, par où l’on pouvait grimper. Dodin lui cria quelque chose, mais le vacarme était tel que Morgennes n’entendit rien. Les chutes d’eau faisaient un bruit épouvantable, et la brume aveuglait les deux hommes. Marchant à tâtons, Dodin accroché à son ceinturon, Morgennes parvint jusqu’aux rochers. Là, il chercha une entaille où glisser ses pieds et ses mains, et entreprit l’ascension de l’imposant dragon de pierre.
    Après moult efforts et écorchures, Morgennes et Dodin atteignirent le sommet. Les deux hommes s’étaient assurés à l’aide d’une corde, que Morgennes dénoua et réenroula autour de son torse.
    — Incroyable ! s’exclama Dodin.
    En effet, le spectacle auquel ils avaient le privilège d’assister était l’un de ces fabuleux tableaux que la nature réserve à une poignée d’élus. Une mer d’arbres entrecoupée de cataractes embrumées s’élevait par degrés jusqu’à l’horizon. Celui-ci se concluait par une montagne à la cime enneigée, si éblouissante qu’elle semblait de diamant. Au-dessus d’elle, une lune rousse et pleine était perchée en

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