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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Rudel, le poète ?
    — Oui. Mais ce dernier devait découvrir, une fois arrivé en Terre sainte, qu’il était plus doué pour rimailler et aimer que pour se battre. C’est pour cela qu’on l’avait engagé – pour chanter nos louanges ! Il est rapidement reparti en France, où il est – m’a-t-on dit – devenu poète.
    — En effet, dit Morgennes qui se souvenait très bien de Jaufré Rudel, qu’il avait croisé à Arras. Mais qui est donc Renaud de Châtillon ?
    — C’était notre chef. À cette époque, il venait d’entrer au Temple et en portait l’uniforme. Depuis, il en a été chassé.
    Comprenant que c’était lui, qu’enfant, il avait pris pour Dieu, avec son armure étincelante et sa cape ornée d’une croix, Morgennes demanda :
    — Où puis-je le trouver ?
    — Chez les Mahométans. Ils le retiennent prisonnier depuis plus d’une vingtaine d’années, dans leurs geôles d’Alep. Je ne sais s’ils le libéreront un jour. Ils le détestent. D’ailleurs, tout le monde le hait. Avec le temps, même Galet et moi avons fini par l’abhorrer. C’est un fou. Un dangereux fanatique, avide de gloire et de richesse. C’est lui qui avait eu l’idée d’aller massacrer les tiens. Comprends-moi, ton père vivait dans le plus grand des péchés, avec une juive ! Dans la région, c’était un fait connu. Avant de la rencontrer, ton père était réputé pour sa foi chrétienne. C’était un très grand chevalier. Ta mère a dû l’ensorceler.
    — Alors, il était noble ? s’enquit Morgennes.
    — Oui. Enfin, d’une petite noblesse. Mais il a renoncé à tout. À son nom, à ses rang, titres, honneurs, richesses, pour se commettre avec cette femme. C’était une sorcière, je te dis ! Elle nous avait humiliés.
    — Je ne vois pas les choses de cette façon, fit Morgennes en écrasant quelques moustiques sur son visage.
    — Non, moi non plus, fit Dodin. Plus maintenant. Mais à l’époque, j’étais jeune. Je venais tout juste d’être armé chevalier. La vie m’ouvrait les bras, et je croyais qu’en purifiant la Gaste Forêt de la seule juive qui y vivait je commettais une bonne œuvre. Pardon, Morgennes. Pardon. Tout ce que je puis te dire, si cela peut t’aider, c’est que ta mère est probablement encore en vie.
    — Dis-m’en plus.
    — Renaud de Châtillon l’avait enlevée et emmenée de force avec nous, en Terre sainte. Je suppose qu’elle s’y trouve toujours, quelque part. Cela fait des années que je n’ai pas entendu parler d’elle. Aux dernières nouvelles, elle était repartie auprès de sa famille.
    — En Terre sainte ?
    — Non, pas exactement. En Arabie. Car elle descendait d’une antique tribu juive établie dans les environs de Médine. C’est tout ce que je sais. Maintenant, si tu veux me tuer, fais-le. Je ne me défendrai pas.
    — Je te l’ai dit. Ce n’est pas moi qui te tuerai.
    Et il reprit sa route, s’ouvrant à grands coups d’épée un chemin dans la jungle par où était passé ce qui ressemblait à un navire gigantesque. Çà et là, des arbres avaient été abattus, et l’on voyait encore des restes de cordages et de rondins, ayant probablement servi à faire avancer l’Arche. Mais la forêt avait déjà presque tout recouvert, et les traces n’auraient pas été faciles à suivre pour quelqu’un de moins expérimenté que Morgennes. « Quel projet démentiel ! pensa-t-il. Mais que cherchaient-ils, dans cette terra incognito  ?Le Paradis ? »
    Un formidable grondement se fit entendre, loin devant eux. On aurait dit que tous les lions de la terre rugissaient ensemble, comme pour leur défendre d’approcher. Dodin rejoignit Morgennes :
    — C’est effrayant ! Mais au moins, on dirait que cela chasse les moustiques. L’air est plus frais.
    Effectivement, l’air était moins lourd, et de fines gouttes d’eau avaient remplacé les moustiques. Elles venaient se déposer sur les deux hommes, s’ajoutant à leur sueur, et rendant leurs vêtements spongieux. L’un et l’autre se débarrassèrent de leurs armures, et quelle ne fut pas la surprise de Morgennes d’entendre un cliquetis métallique répondre à celui que fit son haubert en s’écrasant dans l’herbe.
    Fouillant la terre avec ses mains, il mit au jour un squelette encore équipé d’une armure et d’un vieux bouclier qui paraissaient dater de l’époque romaine.
    — Il doit s’agir d’un des soldats envoyés par Néron à la

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