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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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seulement.
    — Je ne comprends pas.
    — Il n’y a rien à comprendre. Quand on est mort, le temps cesse d’exister. Il n’y a plus ni avant ni après. Quand on est mort, ce n’est pas pour l’éternité. C’est depuis l’éternité.
    Elle tourna sur elle-même, telle une ondine au fond d’un lac, et poursuivit :
    — Un jour tu sauras, mais ce n’est pas pour tout de suite. Veux-tu connaître la date de ta mort ?
    — Non. Cela ne m’intéresse pas.
    — Tu as raison. C’est tout à fait inintéressant.
    — Comment peut-on sortir d’ici ? demanda Morgennes. J’aimerais te présenter à ma femme. Viens avec moi.
    — Non. Ceux qui sont là n’en partent pas. La vie ne nous fait pas défaut. Pas tout à fait. Ou pas vraiment… Nous sommes entre nous, nous parlons, nous discutons. Nous essayons d’améliorer notre sort et le vôtre. Et puis, nous sommes au courant de tout…
    — Mais il doit quand même y avoir un moyen de s’en aller ?
    — Pour quoi faire ? Tout est là. Et ce que nous ne voyons pas, les arbres nous l’enseignent.
    Elle lui montra des racines entremêlées, certaines fines comme des ficelles, d’autres plus grosses que des piliers de cathédrale. Ces pelotes de racines couraient d’un continent à l’autre, mettant aussi bien en relation les chênes de la Gaste Forêt avec les palmiers de Damas, que les tamarins du Caire avec les oliviers de Constantinople. Et ce n’étaient là que deux exemples, parmi une infinité d’autres.
    — Les arbres du monde entier sont reliés par leurs racines. À la surface de la terre existent quelques endroits, comme celui-ci, où l’on peut communier avec les vivants et les morts. Tu veux communier ?
    — Non. J’aimerais rentrer chez moi…
    — Où est-ce ?
    — Je ne sais plus trop. Il faudrait que je retrouve ma femme pour le lui demander. Elle, elle le sait…
    La sœur de Morgennes eut un nouveau sourire, et posa un doigt sur les lèvres de son frère.
    — J’ai toujours été là, avec toi, le sais-tu ?
    — Je crois que oui.
    — Mais maintenant, je vais te laisser.
    — Alors, adieu.
    Elle l’enserra étroitement et lui dit :
    — N’oublie pas de pardonner à Dieu, puisqu’il m’a fait revenir auprès de vous…
    Morgennes posa la tête sur la poitrine de sa sœur et souffla :
    — Merci. Et pardon. Pardon, petite sœur, d’avoir vécu, et de t’avoir abandonnée, ici, seule au milieu des morts.
    — Des non-vivants.
    — Des non-vivants.
    — Tu sais, tu es là toi aussi. En partie du moins, puisque nous sommes liés… Nous te murmurions à l’oreille tout ce que tu aurais dû oublier… Nous étions ta mémoire, ta si incroyable mémoire. Et une partie de ta force également. Mais je crois que tu fais bien de t’en aller. Si tu t’en vas, tu oublieras. Tu redeviendras un homme comme les autres. Nous ne serons plus là pour t’aider.
    — J’ai besoin que tu m’aides à traverser, juste une fois, ces marécages.
    — Je t’aiderai. Nous t’aiderons. Nous serons là, avec toi. Ensuite, lorsque tu auras atteint la lisière de la forêt, nous nous séparerons. Mais si parfois une bulle de mémoire remonte à la surface de ton esprit, pour y libérer ses informations, il ne faudra pas que tu t’inquiètes. Si tu as des intuitions, des prémonitions, c’est juste que nous t’aurons soufflé la bonne réponse, aujourd’hui, et qu’elle aura mis un peu de temps à arriver… Maintenant adieu, mon tendre et bien-aimé frère. Tu vas me manquer.
    — Tu m’as manqué depuis toujours. Adieu petite sœur.
    Morgennes remonta brusquement à la surface. Il se réveilla dans la vase, face tournée contre l’eau. Marie Comnène et Gargano l’agrippèrent et l’aidèrent à se redresser. Morgennes toussa, cracha. Il avait des algues et de la boue plein la bouche. Il vomit.
    — Comment te sens-tu ? demanda Marie Comnène.
    — Bizarre. J’ai l’impression de m’être retrouvé puis aussitôt perdu.
    — Eh ben mon vieux, lui lança Gargano, on peut dire que tu es un sacré veinard ! D’habitude, personne ne survit à l’ingestion de ces satanés champignons.
    Morgennes eut un vague sourire et lui montra les centaines de petits papillons noirs et blancs qui voletaient autour d’eux.
    — Eux, ils ont bien survécu !
    — Ce n’est pas pareil, dit Marie Comnène. Les larves dont ils sont issus se nourrissent de ces champignons. Autant dire qu’ils en sont les enfants,

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