Morgennes
d-d-dragon, avec écailles, g-g-griffes et feu, ce jour-là je t’adouberai !
— Sire, c’est trop d’honneur ! le remercia Morgennes.
S’adressant à sa cour, Amaury déclara :
— Vous m’en êtes témoins. Si cet individu m’apporte la p-p-preuve qu’il a tué un d-d-dragon, je l’adoube sur-le-champ !
Certains rirent. D’autres pas. À vrai dire, nul ne savait si les dragons existaient ou non. Des rumeurs disaient qu’en Égypte on trouvait des serpents si énormes qu’ils avaient peut-être été conçus par des dragons.
— Si Son Altesse le permet, intervint alors le sénéchal d’Amaury, pour tuer une telle créature il faut être équipé… Cet homme ne peut pas partir à l’aventure affublé d’une armure en tissu et d’un glaive en bois… Il lui faut une belle et bonne cuirasse, et une épée en bel et bon métal.
— Que suggères-tu ? demanda le roi.
— On m’a rapporté que Sagremor l’insoumis, ce chevalier qui vous manqua de respect il y a peu, se trouvait dans les environs… Son armure est d’un magnifique vermeil, et son épée est bien fourbie. Peut-être accepterait-il de s’en séparer pour les donner à Morgennes, si celui-ci les lui réclamait poliment ?
— Étrange idée, fit Amaury. Mais après tout, qui dit « chevalier » ne dit-il pas « ép-p-preuves » ?
Le roi se tourna vers Morgennes, qui se tenait tête humblement baissée, et lui lança :
— Je t’autorise à aller t-t-trouver Sagremor l’insoumis. Tu le reconnaîtras à son armure vermeille. Tu lui diras que je t’ai autorisé à lui p-p-prendre ses armes…
— J’y vais de ce pas, dit Morgennes.
Et il sortit, laissant le roi demander à Gargano et à Philomène ce qu’ils désiraient en récompense de leurs exploits, pendant que je partais à la recherche de Thierry d’Alsace, dont la disparition m’inquiétait de plus en plus.
La fraîcheur agréable du mois de février hiérosolomytain succéda à la touffeur qui régnait à l’intérieur de la salle où s’était déroulé le spectacle. Dans la cour de la citadelle de David se pressait une foule si dense qu’on ne pouvait y remuer un pied. Toutes sortes de gens, manants comme nobles, laïcs et religieux, jouaient des coudes pour voir le nouveau roi. Là, Morgennes avisa une tache rouge qui se déplaçait sur un cheval blanc, et se fraya un chemin dans sa direction.
— Eh, vous !
L’homme qui portait la rouge armure se tourna vers Morgennes :
— Que veux-tu ? cria-t-il.
— Votre armure, et puis aussi votre épée, si vous le voulez bien !
— Et si je ne le veux point ?
— Il me les faut !
— Viens les chercher !
Et il éperonna sa monture, qu’il lança à travers la foule sans se soucier de l’éviter. Un jeune garçon, qui n’avait pas eu le temps de s’écarter, aurait été piétiné par le galop du cheval si quelqu’un ne s’était jeté sur lui pour le mettre à l’abri.
Pendant ce temps-là, Morgennes s’arc-bouta sur ses deux pieds, serra les poings et visa la tête du destrier. Quand le cheval fut sur le point de le renverser avec son poitrail, il pivota sur lui-même et lui balança un vigoureux coup de poing sur le front. L’étalon tourna de l’œil, sembla tanguer le temps d’un demi-battement de cœur, puis s’effondra sur les dalles de la cour, assommé.
Le chevalier était à terre et fulminait de rage.
Morgennes lui laissa le temps de se relever, sous les regards stupéfaits des spectateurs.
— Sacrilège ! hurla le chevalier en se remettant debout. Ce n’est pas ainsi qu’on se bat quand on est un homme ! Sors ton arme !
Il dégaina son épée, et faillit trancher la tête de Morgennes ; sauf que celui-ci s’était reculé juste à temps, si bien que la lame ne lui fit qu’une petite entaille à la gorge.
— Gueux ! cria le Chevalier Vermeil. Tu ne perds rien pour attendre !
La foule faisait cercle autour d’eux, étonnée de ce combat qui opposait un chevalier aguerri, muni d’une superbe épée, à un manant dont l’armure était de grossiers vêtements de toile et la seule arme ses poings.
— À la garde ! cria quelqu’un.
— Arrêtez-les ! cria un autre.
Mais le sénéchal d’Amaury arriva juste à temps pour dire :
— N’en faites rien ! Que la défaite de l’un confirme la victoire de l’autre. Et jusque-là, des coups, de la sueur et du sang !
Morgennes observa son adversaire, à la recherche d’une
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