Morgennes
Terre sainte, le dixième de toutes ces merveilles ! »
Manuel descendit une courte volée de marches, qui menait à une porte en acier brun. L’ayant ouverte au moyen d’un mécanisme que Guillaume ne parvint pas à distinguer précisément, mais qui consistait en un système de roues crantées formant un code en tournant sur elles-mêmes, l’empereur invita Guillaume à le précéder.
Cette nouvelle salle était entièrement plongée dans l’obscurité, mais n’était pas – contrairement à la précédente – silencieuse. Des sifflements, des bruits de créatures rampant dans la poussière, des… Des serpents !
Guillaume recula d’un pas, mais le secrétaire de l’empereur lui mit la main sur l’épaule.
— Montrez à Sa Majesté que vous n’avez rien à voir avec cette affreuse affaire, et entrez !
De grosses gouttes de sueur perlèrent aussitôt dans le dos et sur le front de Guillaume, qui s’arma de courage et marmonna une courte prière, destinée à écarter de son chemin les forces du mal. Le premier pas qu’il fit en pénétrant dans cette pièce lugubre le conforta dans l’idée que sa prière fonctionnait ; il en fit un deuxième, puis un troisième.
Un garde jeta une torche sur le sol, et Guillaume aperçut des centaines de reptiles. Petits, grands, minces comme le doigt ou gros comme le bras. Rayés, tachetés, à pois ou unis. Lisses ou au contraire en train de muer, et traînant leur vieille peau derrière eux. Certains ne bougeaient pas, d’autres se déplaçaient à une vitesse stupéfiante, passant sur le dos puis sous le ventre de leurs congénères, remuant la queue, sifflant, montrant les crocs, dardant une langue aussi fourchue que celle du Diable. La torche avait créé un cercle de lumière autour de Guillaume, tenant les serpents à l’écart.
Alors, dans un grincement de porte se refermant, l’empereur dit à Guillaume :
— Si tu survis, je te croirai !
Et la porte fut claquée, plongeant Guillaume dans une terreur infinie.
En voyant que la flamme de sa torche baissait d’intensité et que le cercle de sable où il se tenait s’emplissait peu à peu de serpents, Guillaume ne trouva rien d’autre à faire que de s’en remettre à Dieu. Et à Massada. Lequel des deux lui fut le plus utile ? Guillaume se refusa toujours à se l’avouer, mais ce fut peut-être le second. Car il serra contre lui son bâton à tête de dragon, et murmura pour lui-même : « Allons, si Massada a dit vrai, ce bâton est celui de Moïse. Alors, je dois pouvoir commander aux serpents ! »
— Serpents ! Fuyez !
Sifflements des serpents, qui frétillaient de la queue en regardant Guillaume. Langues, dents, yeux tournés vers lui. Le cercle ne diminuait plus, mais ne s’agrandissait pas.
— Serpents ! Reculez !
Cette fois, les serpents reculèrent. De quelques pouces seulement, mais assez pour permettre à Guillaume de ramasser la torche et de revenir sur ses pas. Évidemment, la porte était close. Tout en agitant sa torche et son bâton pour maintenir les serpents à distance, Guillaume plaqua l’oreille contre la porte et écouta. Mais il n’entendit rien. Alors, en désespoir de cause, et ne sachant quand l’empereur reviendrait le chercher (ni même s’il reviendrait), Guillaume s’avança dans la pièce. Y avait-il une issue ? Il lui sembla que oui, puisqu’un couloir partait se perdre dans l’obscurité, par-delà le rayon de sa torche. Dès qu’un serpent s’approchait un peu trop, il le frappait de son bâton – et quand il ne le tuait pas sur le coup, cela suffisait à l’éloigner.
— Par Dieu ! sourit Guillaume. C’est un bâton puissant ! Qui sait s’il ne tuerait pas un dragon ?
Il reprit courage et fit quelques pas dans le couloir, qui se révéla être le premier élément d’un labyrinthe. Le cadavre d’une vieille dame était allongé sur le sol. Ses vêtements, à la mode orientale, étaient ceux d’une étrangère. Apparemment, Guillaume n’était pas le premier dont l’empereur ait eu à se méfier…
— Tu n’es pas morte en vain, dit Guillaume à la défunte.
Il s’abaissa vers elle, chassant avec son bâton les serpents enroulés dans sa cage thoracique, et lui brisa la main.
— Eh bien, fit-il en se parlant à haute voix pour se donner du cran. Puisqu’il me faut affronter ce dédale, autant m’y mettre tout de suite.
Il rompit l’une des phalanges de la main du squelette, et la plaça sur le
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