Morgennes
punir, ils exaucent nos souhaits !
Comprenant qu’il était temps de prendre congé, nous nous dirigeâmes vers la sortie, lorsque, n’y tenant plus, je demandai à l’homme au livre :
— Puis-je savoir ce que vous lisez ?
— Bien sûr !
Il me montra le titre de son ouvrage, puis reprit sa lecture. Bizarrement, je crus remarquer que la page vierge de tout à l’heure était maintenant noire de phrases, comme si une plume magique s’y était promenée pendant notre conversation.
Je remerciai l’homme au livre et partis rejoindre Morgennes – qui m’attendait dans le couloir. Et il est bien dommage que je ne me sois pas, à ce moment-là, retourné une dernière fois. Car alors j’aurais peut-être vu la tête coupée darder dans ma direction une langue de serpent. Non, cela je ne le vis pas, mais ce que je vis me surprit tout autant.
À l’instant même où Morgennes et moi sortions du corridor, nous nous heurtâmes à une trentaine de soldats, vêtus d’armures et de tuniques orange, et dont le chef nous dit, dans un français parfait :
— Messieurs, je vous arrête pour avoir osé violer l’entrée du Monastère interdit et participé au vol de l’Arche de Noé !
31.
« Allons, cherchez, fouillez, de haut en bas, tout près d’ici ou très loin ! »
( CHRÉTIEN DE TROYES ,
Cligès. )
Tandis qu’une jeune esclave blonde aux yeux pers lui apportait une coupe de vin, Manuel Comnène questionna Guillaume :
— Qu’avez-vous pensé du Labyrinthe de la Vérité ?
Guillaume, qui avait encore le dos dégoulinant des sueurs froides que lui avait valu son excursion au milieu des serpents, s’épongea le front à l’aide d’un linge de coton, se lava les mains dans une bassine d’eau claire, et répondit :
— Instructif, pour le moins… Cependant, plusieurs choses me chiffonnent.
— Parlez.
— Premièrement, j’aimerais savoir si d’autres épreuves m’attendent, ou si je peux goûter en toute quiétude à ces agapes. Secondement, j’aimerais bien comprendre à quoi sert un labyrinthe qui n’a pas d’issue…
— Mangez. Soyez sans crainte, lui répondit Manuel. Je vous donne ma parole que je ne chercherai plus à vous tester, ni à vous nuire. Cette petite épreuve avait pour objet de vérifier si mes soupçons étaient fondés…
— Vos soupçons ?
— D’abord, ces premières lettres, pour me pousser à entrer en guerre à vos côtés. Puis ce matin, cette dernière lettre, pour m’effrayer… Elles ne peuvent avoir le même auteur. Je vous ai soupçonné pour les premières, mais pour cette dernière, je pense plutôt…
— Aux Égyptiens ?
— Absolument, Guillaume. Et plus précisément à certains d’entre eux. Je pense aux maléfiques ophites, qui sont présents aux côtés du calife al-Adid, et adorent manipuler les puissants…
— Les ophites ? Ce sont des adorateurs du serpent..
Mais l’empereur ne l’écoutait déjà plus, et continuait comme pour lui-même :
— Ah, ce labyrinthe ! Je l’apprécie tout particulièrement…
— Mais il n’a pas d’issue ! répéta Guillaume.
— Qui a dit qu’il devait forcément en avoir une ? Je le trouve, pour ma part, à l’image de la vie. On croit entrer quelque part, on cherche son chemin en se gardant le mieux possible des dangers, et puis on meurt après avoir tourné en vain… N’est-ce pas une parfaite illustration de notre destinée ?
— Mais, poursuivit Guillaume, si j’ai bien compris, on n’a la possibilité de chercher que si l’on est innocent. Autrement, on meurt mordu par les serpents…
— En fait, les innocents meurent aussi !
— Je vois. Alors la femme dont j’ai vu le squelette était-elle innocente ou coupable ?
— Ah, ma Maître des Épices ! Elle a cherché à m’empoisonner en me faisant servir un plat un peu trop relevé à mon goût. Allons, ne parlons plus de cela. Profitez de la fête !
D’un geste de la main qui fit s’entrechoquer ses innombrables bracelets, chaînettes et breloques, Manuel donna le signal du début des festivités. Trois ménestrels vêtus de couleurs vives entrèrent dans la salle, et commencèrent à jouer de la vielle. Des esclaves servaient à boire et à manger aux convives, et ce fut une pluie de victuailles digne de l’Olympe puisqu’on y servit de l’ambroisie, et toutes sortes d’autres mets réputés fort prisés par les dieux.
Guillaume remarqua que l’empereur avait fait
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