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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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logements rupestres, où de rudes populations s’efforçaient de survivre, à l’écart du monde.
    Les trous dans la montagne qui m’avaient tellement intrigué à notre arrivée se révélèrent n’être rien d’autre que des sortes de greniers, où étaient remisés nourritures, armes, armures et matériel divers. Et si nous retrouvâmes bien notre équipement (dont je vous épargnerai la liste, mais qui comprenait, entre autres, la croix de bronze de Morgennes et ma draconite), de dragons nous ne vîmes point la queue – sinon, çà et là, sur une série de fresques gigantesques peintes à même la roche, et où étaient également représentées toutes les espèces de poissons, bêtes sauvages et oiseaux ailés ayant été imités par Noé à monter dans l’Arche.
    Les dragons y occupaient une place de choix, comme si, dans ces montagnes, un culte leur était rendu. Cependant, ceux dessinés ici ne ressemblaient point aux monstres qu’on s’imaginait hanter nos contrées. Car s’ils fréquentaient bien les cieux, ils étaient démunis d’ailes, et ondulaient parmi les nuages tels des serpents dans l’herbe. Le dragon de cette région nous parut facétieux. D’ailleurs, une sorte de malice qui n’avait rien d’hostile se lisait dans son regard, dans sa façon de poser la griffe, et de courir après un nuage. C’était presque un animal domestique. Mais rien ne nous permit d’en apprendre plus. Pour Morgennes, c’était une déception.
    Déception qui s’ourla de tristesse, quand nous trouvâmes le poulailler. Car ce n’était plus qu’un amas de plumes et d’os épars. On aurait dit qu’une armée de loups s’en était donné à cœur joie, mordant, broyant toutes les poules qui lui étaient tombées sous les crocs.
    Ni Morgennes ni moi ne proférâmes une parole, et il était difficile de dire si dans les plumes que nous voyions collées aux murs par un jet de sang se trouvaient celles de Galline. Ce qui était certain, c’est qu’ici plus rien ne vivait.
    — Viens, me dit Morgennes. Ne restons pas là.
    Il s’apprêtait à jeter sa torche à l’intérieur du poulailler pour lui offrir le même sort qu’au reste du village, lorsque j’aperçus un reflet rouge. Une petite plume ! Elle voltigea dans l’air, décrivit deux ou trois tours sur elle-même, et vint se poser sur une surface ronde et lisse, couleur de calcaire.
    — Un œuf !
    Morgennes leva sa torche, et éclaira un œuf, mystérieusement épargné par le massacre.
    — Un œuf de Galline ! Un œuf de Galline !
    J’étais sûr que c’était le sien. La petite plume le recouvrit délicatement, comme pour me le signaler. Doucement, je m’approchai de l’œuf, et le recueillis dans ma main.
    C’est à ce moment-là que j’entendis une cloche tinter. Cette fois, j’en étais certain, je n’avais pas rêvé.
    — Non, me confirma Morgennes, tu n’as pas rêvé…
    L’heure n’était plus à la discussion, et nous regardâmes tous les deux en direction du tintement de cloche, qui se fit à nouveau entendre. À vrai dire, il s’agissait de clochettes, ou de grelots. Car dans un tourbillon de brouillard et de poussières blanches, nous vîmes surgir un équipage d’hommes et de chevaux, dont les formes floues commençaient à émerger de plus en plus nettement.
    Deux personnes marchaient en tête, l’une portant une cape, l’autre un voile. Leurs traits n’apparaissaient pas encore clairement, ils étaient trop loin, la neige et le vent brouillaient les lignes. Tout était confus. Pourtant, nous crûmes reconnaître… Mais non, c’était impossible, puisqu’ils étaient morts.
    Je n’osais prononcer les noms qui me brûlaient les lèvres, alors Morgennes les dit pour moi :
    — Sibylle ? Thierry ?
    Étions-nous en train de délirer ? Il nous semblait en effet distinguer, dans l’homme et la femme qui se matérialisaient en cet instant, le comte de Flandre et son épouse, Sibylle. S’ils étaient l’un et l’autre là, alors cela voulait dire que nous étions au Paradis.
    Et que nous étions morts.
    Mais non, car la brume se dissipa, et nous vîmes un homme et une femme, que nous ne connaissions pas, marcher vers nous. Derrière eux, un chariot aux armes de la papauté roulait cahin-caha, ses roues cerclées de fer traçant dans la poudreuse deux serpents en creux.
    L’homme, vêtu d’une épaisse fourrure et chaussé de bottes fourrées, s’approcha en soufflant comme après un effort

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