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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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passe pour homosexuels ? À présent,
il comprenait la raison pour laquelle le sergent lui avait jeté ce regard
compatissant et s’était senti obligé de préciser qu’il faisait si froid dehors.
    Avant tout, il devait aller examiner le corps et l’endroit
où on l’avait découvert.
    — Désolé, monsieur.
    Le sergent remit son couvre-chef et l’aplatit du dos de la
main sur sa tête.
    — Qui l’a trouvé et à quelle heure ?
    — L’agent Dabb, monsieur. Je l’ai laissé sur place, pour
veiller à ce que personne ne touche à rien. Un très bon élément, l’agent Dabb. Il
a découvert Sir Bertram vers quatre heures et quart environ. L’horloge de Big
Ben venait de sonner. Il aperçoit quelqu’un allongé devant une porte. Il va
voir de plus près ce qui se passe, et là, il se rend compte que l’homme est
mort. On retrouve tellement de cadavres dans le quartier qu’au début, il n’y
prête pas trop attention, il se dit que ce n’est même pas la peine de me faire
appeler – mais quand il voit le manteau entrouvert, le pauvre Dabb comprend de
quoi il retourne… Alors il nous fait prévenir en vitesse. Voilà pourquoi je
suis venu vous chercher.
    — Comment se fait-il que vous sachiez le nom de la
victime ? s’étonna Pitt. En général, un cadavre allongé sur un trottoir de
Devil’s Acre ne tarde pas à être délesté de ses papiers et de son argent.
    — Pas d’argent dans les poches, fit le sergent d’un air
entendu, mais il avait encore sur lui sa carte de visite et quelques lettres. Je
ne sais pas ce qu’en pensera le médecin légiste, mais à mon avis, il était pas
là depuis bien longtemps. Une heure tout au plus, sinon des clients auraient
buté sur le corps, en entrant ou en sortant. Ces gens-là décampent toujours
avant l’aube. Quand le jour se lève, ils tiennent à être de retour chez eux, ou
dans un endroit où ils n’ont pas honte d’être vus. On les retrouve en train de
réciter leurs prières en famille à la table du petit déjeuner.
    Il avait dit cela d’une voix chargée d’un mépris brûlant. Pitt
n’aurait su dire si ce dégoût était provoqué par les activités nocturnes de ces
messieurs ou par l’hypocrisie qui les obligeait à les cacher. Plus tard, peut-être,
il le lui demanderait.
    Le cab s’arrêta brutalement et les deux hommes en
descendirent. Ils se trouvaient dans la partie sud de Devil’s Acre, tout près
de la Tamise. La pluie ayant cessé, l’humidité du fleuve s’élevait en volutes givrées
au-dessus des trottoirs que commençait à recouvrir une croûte de glace. Dans l’épaisseur
des ténèbres se dessinaient les contours gothiques du Parlement.
    Un jeune agent, une lanterne à la main, montait la garde
devant un corps recroquevillé dans l’embrasure d’une porte, enveloppé d’un
épais pardessus. Par respect, il avait couvert le visage du défunt de sa propre
pèlerine et restait là, debout, frissonnant à côté du cadavre. Étrange
déférence, songea Pitt, qui pousse un être humain à quitter une partie de ses
vêtements pour recouvrir un corps déjà touché par la froide rigidité de la mort,
et à rester à grelotter auprès de lui.
    — Bonjour, monsieur, fit l’agent avec respect. Bonjour,
Mr. Pitt.
    Voilà ce que c’est que d’être connu !
    — Bonjour, agent Dabb, fit Pitt, lui retournant le
compliment.
    Ils se trouvaient dans une ruelle sale, imprégnée de la
puanteur des ordures. Des hommes, ou plutôt des épaves humaines, étaient
allongés, somnolents, sur le trottoir d’en face. À les voir dans la grisaille
de l’aube, ils ne semblaient guère différents du corps de Bertram Astley.
    — Comment avez-vous deviné qu’il était mort ? s’étonna
Pitt, se demandant ce qui avait poussé l’agent à examiner ce corps-là plutôt qu’un
autre.
    L’agent Dabb se redressa légèrement.
    — Parce qu’il se trouvait du côté ouest, monsieur.
    — Du côté ouest ? Je ne comprends pas…
    — Le vent souffle de l’est, monsieur. Et il pleuvait. Personne,
même un ivrogne, n’aurait idée de dormir sous la pluie, alors qu’il peut
trouver un abri quelques mètres plus loin sur le trottoir d’en face.
    Pitt lui adressa un sourire appréciateur, ramassa la
pèlerine, la lui tendit, puis se pencha sur le corps. Bertram Astley était un
homme de belle allure : traits réguliers, nez droit, cheveux et favoris
blonds, avec une moustache légèrement plus foncée. Ses paupières

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