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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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majestueuse, telle
Britannia repoussant l’ennemi. Toutes deux cherchaient à cacher le trouble qu’avait
jeté dans leur esprit le décès subit de Sir Bertram. Pour l’heure, elles ne lui
diraient rien de plus. Inutile de les presser de questions. Elles n’avaient pas
vraiment réalisé ce qui était arrivé. Avec le temps, un souvenir, un mot, un
geste important leur reviendraient peut-être en mémoire.
    — Il est donc parti en fiacre vers vingt-trois heures, répéta
Pitt. Et, d’après vous, il était en bonne santé, de bonne humeur et avait l’intention
de rentrer chez lui.
    — Exactement, renchérit Mrs. Woolmer. Qu’espériez-vous
apprendre de notre part ?
    — Seulement l’heure de son départ, madame, et le moyen
de transport. Selon vous, il n’avait pas l’intention de rendre visite à quelqu’un
d’autre ?
    Elle émit une sorte de reniflement réprobateur, qui faisait
penser à un hennissement.
    — Si vous en avez fini, auriez-vous l’obligeance de
nous laisser seules ?
    Pitt prit rapidement congé et quitta la maison. Il se mit à
marcher vers l’est, face au vent, tout en réfléchissant. Quelle pouvait être l’attitude
de May Woolmer en l’absence de sa mère ? Bertram Astley l’avait-il aimée ?
Elle était ravissante, et suffisamment bien élevée pour faire une épouse tout à
fait acceptable dans la bonne société. Possédait-elle aussi de l’esprit, du
courage ? Avait-elle l’honnêteté de ne pas se prendre au sérieux, de
complimenter spontanément les autres ? Était-elle douce et gentille ?
Bertie Astley s’était-il posé toutes ces questions ? Une jolie femme au
caractère aimable lui suffisait peut-être. La plupart des hommes s’en
contentaient.
    Qu’avait-il cru voir passer sur le visage de Beau Astley
lorsqu’il avait pensé à May, en dépit de sa propre douleur ? Était-ce
aussi de l’amour ?
    Pitt devait se souvenir, lors de leur prochaine rencontre, qu’il
aurait désormais affaire à Sir Beau, l’héritier d’une fortune considérable. Après
le temps de deuil imparti, prendrait-il la place de son frère et épouserait-il
la jolie May ? Mrs. Woolmer ferait probablement tout ce qui était en son
pouvoir pour qu’il en soit ainsi. Les beaux partis étaient rares et l’année
déjà avancée. La saison suivante n’allait pas tarder.
    Pitt remonta le col de son manteau. Le vent d’est était
chargé de neige fondue. L’idée de passer au crible la vie privée des Astley lui
déplaisait profondément.
     
    Le lendemain matin, son supérieur, le commissaire
divisionnaire Dudley Athelstan, le fit convoquer. Il portait un costume coupé
par le meilleur tailleur londonien, mais sa cravate était de travers et son col
de chemise paraissait l’étrangler. Les journaux du matin s’étalaient sur son
bureau.
    — Ah, Pitt ! Entrez, entrez… Il faut faire quelque
chose ! C’est effroyable. Le préfet de police en personne est venu me voir.
Au train où vont les choses, je vais recevoir un courrier du Premier ministre !
    — Vous parlez des trois meurtres de Devil’s Acre ?
s’enquit Pitt en regardant tour à tour les papiers éparpillés sur le bureau et
le visage congestionné de son supérieur. Ne vous inquiétez pas, d’ici un jour
ou deux, un nouveau scandale agitera le grand monde. L’affaire sera vite
oubliée.
    Athelstan leva les bras au ciel. On aurait dit que les yeux
allaient lui sortir de la tête.
    — Vous croyez ? Et c’est vous qui allez m’arranger
ça, hein ? Nom d’une pipe, avez-vous idée des répercussions que va
entraîner ce troisième meurtre ? Les honnêtes gens sont terrifiés ! Ils
n’osent plus…
    Il s’interrompit brusquement et Pitt prit un malin plaisir à
terminer la phrase à sa place.
    — S’aventurer dans Devil’s Acre… ?
    — C’est facile de jouer au vertueux, grommela Athelstan.
On voit que ce n’est pas vous qui êtes tenu de rendre des comptes à ces gens-là.
Enfin, grâce à Dieu ! Sinon la police tout entière serait remerciée, et
sans cérémonie ! Savez-vous que des personnalités influentes vont se
divertir dans le genre d’établissement tenu par Max Burton ? Ils acceptent
le risque de payer très cher les services proposés, parfois au prix d’être
agressés et dévalisés dans la rue. Mais de là à se faire assassiner et
émasculer… Impensable ! Imaginez le scandale, et la honte !
    — Après tout, notre tueur est peut-être un ardent
réformateur

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