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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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de bonne qualité, mais loin d’être à la
mode. Un visage anguleux, assez laid. Impossible de deviner si, de son vivant, il
avait eu du charme et de l’humour ou si ses traits disgracieux avaient pu être
éclairés par une lumière intérieure.
    — Sait-on d’où il vient ? s’enquit Pitt.
    — Oui, monsieur, répondit aussitôt le sergent qui
montait la garde auprès du corps. D’après des lettres qu’il avait sur lui, il
vivait à Seabrook Walk. Pas vraiment les beaux quartiers, mais un endroit très
respectable, à environ deux kilomètres d’ici. Une de mes sœurs fait des heures
de ménage, là-bas, chez une dame.
    Pitt comprit ce qu’il voulait dire : un certain nombre
de gens de la classe moyenne préféraient se priver de nourriture et de
chauffage, plutôt que paraître manquer de ce qui faisait la respectabilité, à
savoir des domestiques. Une alimentation frugale pouvait, à la limite, passer
pour une question de choix personnel ; on pouvait même affecter d’être
insensible au froid, mais l’absence de domesticité était un symbole évident de
pauvreté. Ernest Pomeroy n’avait-il échappé à une vie de faux-semblants et
voulu assouvir, dans un moment de folie, ses appétits insatisfaits que pour
périr dans ces bas-fonds sinistres et tout aussi trompeurs ?
    — Je vois. Nous ferons venir quelqu’un pour l’identifier.
Pas son épouse, si possible. Un frère, peut-être, ou…
    Il jeta un coup d’œil au visage du défunt ; celui-ci
devait approcher la cinquantaine.
    — … ou un fils.
    — Nous nous en occupons, monsieur, fit le sergent. On
ne devrait pas obliger une femme à subir pareille épreuve, même si on ne lui
montre que le visage. Tout de même… Vous allez la prévenir ?
    Tâche inévitable, qui incombait à Pitt, comme toujours.
    — Oui. Donnez-moi l’adresse, s’il vous plaît.
     
    Dans la grisaille du petit matin, Seabrook Walk lui parut
morne et triste. La pluie avait mouillé les trottoirs, sans toutefois leur
donner un aspect plus propre.
    Il trouva bientôt la maison des Pomeroy et gravit les
marches du perron. Il n’était pas question d’atermoyer ; rien ne pourrait
atténuer la souffrance de la veuve et c’était peut-être le moment de glaner
quelques renseignements. Il devait quand même exister un rapport entre ces
quatre hommes ! Une relation commune, un lieu, une date, bref une raison
pour laquelle on les avait haïs aussi farouchement. Quoi que cela lui coûtât, il
devait découvrir ce lien. Il n’avait que peu de temps devant lui. L’assassin, lui,
n’attendrait pas.
    Devant la maison s’étiraient d’étroites plates-bandes de
terre noire attendant d’être fleuries, séparées par une herbe rabougrie. Sous
les fenêtres se dressaient des buissons de lauriers fantomatiques au feuillage
sombre, humide et sale. En revanche, de jolis rideaux blancs en dentelle
agrémentaient les fenêtres qui, d’ici une heure, seraient tendues de crêpe noir.
    Pitt souleva le heurtoir de cuivre qui retomba avec un bruit
discordant. Il attendit plusieurs minutes avant que la porte ne tournât sur ses
gonds. Dans l’entrebâillement apparut enfin le minois pâlot et inquiet d’une
petite bonne à tout faire. Jamais personne ne frappait à une heure aussi
matinale !
    — Monsieur ?
    — Je dois parler à Mrs. Pomeroy. C’est urgent.
    La jeune fille parut déconcertée.
    — Oh… Je sais pas si Madame pourra vous recevoir !
À c’t’heure-ci, elle est même pas…
    Elle stoppa net sa phrase, se souvenant qu’elle devait se
montrer loyale envers sa maîtresse.
    — … elle a pas encore pris son petit déjeuner. Vous
pourriez pas revenir dans une heure ou deux ?
    Pitt était désolé pour elle. Elle n’avait guère plus de
treize ou quatorze ans et ce devait être sa première place. Si elle la perdait
pour avoir causé des ennuis à sa patronne, elle se retrouverait à la rue et
peut-être même sur le trottoir ; si jeune, elle n’aurait même pas la « chance »
de certaines femmes qui avaient suffisamment d’expérience ou de personnalité
pour travailler dans un établissement comme celui de Victoria Dalton.
    — Je suis de la police, annonça-t-il, la déchargeant
ainsi de toute responsabilité, et j’apporte une mauvaise nouvelle. Il serait
cruel que Mrs. Pomeroy l’apprenne par la rumeur. Je préfère la lui annoncer
discrètement.
    Affolée, la bonne ouvrit la porte en grand et s’effaça pour
le laisser passer.

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