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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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de fines traînées rouges.
    Alors arrivèrent les prêtres venus du balcon de la cathédrale,
débouchant de l’escalier de la tour. Le cardinal Pontano, tout en avançant, donna
des ordres, le bras tendu en avant. Deux prêtres se hâtèrent, contournèrent le
catafalque et le macabre tableau, auquel ils jetèrent des regards affolés en se
signant en toute hâte, et ne s’arrêtèrent pas avant d’avoir atteint l’autel. Là,
l’un prit l’hostie et se dépêcha d’aller la mettre à l’abri.
    L’autre baissa et éteignit la lampe qui brûlait. La cathédrale
allait devoir être reconsacrée.
    Le duc, debout, considérait le corps inerte de Paolo.
    Sigismondo demeura immobile. Toujours masqué, il prenait
appui sur le long manche de sa hache sanguinolente, bourreau ayant osé à la vue
de tous commettre sacrilège en ce lieu. Le cardinal avança ; des prêtres tournicotaient
autour du groupe mais gardaient leur distance comme en présence de pestiférés.
    Les gardes du duc, piques croisées, empêchaient la foule d’accéder
au palais. À l’extérieur des portes, on entendit un piétinement sur les marches
montant à la cathédrale, et la clameur de la foule, des exclamations et des
hurlements, mêlés au rythme régulier des « Duca, Duca ! ».
    Un spasme du bras fit tressauter l’épée du duc, et du sang
en goutta.
    — Mon fils, qu’avez-vous fait ?
    Le duc ne répondit pas, ne fit aucun geste jusqu’à ce que le
cardinal pose une main sur son épaule en répétant la question. Alors, comme s’éveillant
d’un rêve, le seigneur Ludovico tourna la tête.
    — Il a tenté de me tuer ! Paolo ! Moi qui
pensais qu’il m’aimait !
    — Non, seigneur, répondit le bourreau d’une voix qui
résonna dans ce vaste espace. Il conspirait pour vous renverser et gouverner
Rocca à votre place. Il ne vous aimait pas.
    En général austère, le visage du cardinal Pontano avait viré
au sinistre.
    — C’est proprement incroyable. En avez-vous la preuve ?
    Sigismondo ôta le masque de son visage.
    — Oui, je peux le prouver, rétorqua-t-il.
    — Qu’on apporte les reliques de sainte Agnès, déclara
le cardinal. Ce qui sera dit désormais devra l’être sous serment.
    Un brouhaha en provenance de la porte fit tourner les têtes.
Le duc Ippolyto et dame Violante venaient de franchir le barrage des gardes. Le
duc tenait encore son épée à la main, et la dame ne lui avait pas lâché le bras ;
ses lèvres étaient déformées par un rictus de chat haret. Devant le spectacle
qui s’offrit à eux  – le duc debout, les deux corps emmêlés  – ils s’immobilisèrent.
La duchesse gisait, les yeux toujours clos mais la bouche entrouverte comme
pour protester. Le frère de son mari était étendu en travers de son corps, dans
une mare de sang qui allait s’élargissant, et que buvaient en toute innocence
le tissu des manches dorées de Paolo et les jupes de velours de la duchesse.
    — Sainte Mère de Dieu !
    Le cardinal tenait à présent entre ses mains une boîte plate
scintillant d’incrustations de diamants et de rubis.
    — Votre Seigneurie, les reliques sacrées de sainte Agnès
seront votre témoin. Si vous êtes innocent de ce sang répandu, invoquez le nom
de Dieu sur les ossements de Sa sainte.
    Le duc s’inclina pour poser son épée à terre, puis retira un
gant et plaça sa main sur la boîte dorée.
    — Je jure, devant Dieu et Sa sainte, et dans l’espoir de
la rédemption, que je ne suis pas coupable d’avoir répandu le sang de mon
épouse. Coupable je suis, en revanche, de la mort de mon frère. Mais j’ignore
tout des raisons pour lesquelles il voulait me tuer.
    Sigismondo s’avança et sa voix grave se propagea dans l’édifice.
    — Avec la permission de Votre Seigneurie et celle de
Son Éminence : il est temps de faire savoir à Rocca que son duc légitime
est sain et sauf, et que le traître a péri.
    — Le traître…
    Un gémissement se fit entendre. Tebaldo avançait en prenant
appui sur la bière, le visage défait, le regard fixé sur le cadavre de Paolo. Il
s’éloigna d’un pas du cercueil, tomba sur les genoux, posa une main au sol tandis
que l’autre s’emparait de celle, flasque et sanglante, de son père. Sa voix
étranglée était comme une plainte animale.
    Violante lâcha le duc Ippolyto et courut vers Tebaldo.
    — Non, non. Viens avec moi. Père, je veillerai sur lui.
Laissez-moi m’occuper de lui.
    Devant cette requête

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