Mort d'une duchesse
lever en direction des
trompettistes, leur donnant ainsi le signal d’une nouvelle fanfare. Un garçon, la
tête ornée d’une guirlande de lierre, parvint à atteindre le devant de la
galerie et, tandis que le son des trompettes baissait d’intensité et que les
convives faisaient silence, se lança dans un solo d’une douceur quelque peu
suraiguë. Les pages écartèrent les rideaux à l’extrémité de la salle pour l’entrée
des nymphes ; enfin vêtues de leur seul voile de gaze, elles faisaient
onduler devant elles de longues écharpes de soie, elles aussi bleues, vertes et
blanches, qui rappelaient de manière assez convaincante le mouvement des vagues
que le chant évoquait au même moment. Les rideaux s’écartèrent une nouvelle
fois pendant que les nymphes s’avançaient dans la salle, et l’on vit qu’elles
étaient les annonciatrices de Vénus anadyomène en personne, en longue tunique
de soie blanche serrée par une large ceinture ornée de joyaux.
Ses cheveux, aussi blancs que sa tunique et sans doute eux
aussi en soie, s’épandaient jusqu’à ses genoux.
Elle menait par la bride un blanc palefroi, et un groupe de
colombes fut lâché, ou plutôt jeté en l’air, derrière elle. Le cheval, dont la
crinière scintillait de rubans d’or et d’argent, transportait sur son dos un
garçon d’environ six ans, vêtu en tout et pour tout d’une perruque de boucles
dorées, d’un carquois de flèches d’or et d’un arc en bois doré avec lequel il
faisait mine de viser les convives. À sa suite apparurent de nouvelles nymphes
lançant des pétales de rose en soie qu’elles puisaient dans des paniers dorés.
Le solo du chanteur, en latin, louait la générosité de la
déesse de l’Amour qui accordait ses faveurs à ceux qui la vénéraient avec
sincérité ; dame Cecilia comptait de toute évidence parmi ces derniers. Lorsque
la procession atteignit la table d’honneur, le petit Cupidon se concentra d’un
air farouche et braqua son arc. Le mari de dame Cecilia reçut au milieu de sa
large poitrine une fléchette formée d’un bout de roseau doré empenné de plumes
teintes en rose, qui resta accrochée à la passementerie. Les applaudissements
agacèrent le cheval qui fit un pas de côté, détournant le trait suivant. La
fléchette destinée à dame Cecilia la manqua et, sous l’exclamation amusée de
cette dernière, atterrit dans la coupe du duc, dont la main fut aspergée de vin.
Plus tard, ce détail devait être interprété comme un mauvais
présage, mais à cet instant, le duc essuya les gouttelettes sur la serviette
que lui avait aussitôt tendue son page et rit en applaudissant avec le reste de
l’assistance, glissant à Cupidon une plaisanterie que personne n’entendit.
La procession de Vénus se retira tandis que les colombes
battaient des ailes sous le toit ou se posaient au milieu des victuailles, où
elles étaient capturées par les serviteurs. Les plats suivants furent présentés
en musique : un héron ; un cocatris composé d’un arrière de porc et
de la moitié antérieure d’un énorme chapon, cousus l’un à l’autre et reposant
sur un lit de légumes ; de gros poissons à ce point décorés de rosettes de
sauce qu’ils en étaient totalement méconnaissables ; des poules
reconstituées à partir d’une peau de poulet enrobant la viande désossée et la
garniture ; des pâtés de gibier et des lièvres au vin.
La surprise suivante fut présentée dans un roulement de
tambour et le fracas des tambourins. Sans délaisser la veine des allusions
classiques ou nuptiales, le Florentin engagé par la duchesse pour organiser le
spectacle avait su tirer parti de ce qu’il avait sous la main.
Les rideaux, relevés cette fois au maximum, laissèrent passer
un navire de la hauteur d’un homme et long comme deux, avec une monstrueuse
proue recourbée, une tourelle à chaque extrémité et une voile de soie blanche. Le
battement des percussions et le son martial des trompettes couvrirent le bruit
des roues quand un groupe de tritons, coiffés de perruques vertes et affublés
de tuniques brodées de coquillages, de filets et d’algues, le fit avancer. L’accueil
réservé à ce premier bateau redoubla d’enthousiasme lorsque, voyant apparaître
un second navire à l’équipage composé comme l’autre de nains, l’assistance
comprit qu’une bataille navale allait se dérouler sous ses yeux.
Le matériel n’avait pas fait défaut au
Weitere Kostenlose Bücher