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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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que celle qui
leur revenait d’habitude. Les spéculations quant au sort de dame Cosima Di
Torre constituaient le thème sous-jacent  – et abordé avec discrétion
 – de la plupart des conversations. Aucun des amis des deux adversaires n’osait
faire la moindre remarque partisane en présence du duc. Des têtes se tournaient
sans cesse dans sa direction afin de scruter son expression, et beaucoup étaient
secrètement déçus de constater qu’il affichait une imperturbable amabilité. Mais
après tout, il était assis à côté de la mariée. D’autres têtes se tournaient pour
observer l’agent du duc, l’homme de nulle part, si difficile à définir dans l’ordre
protocolaire qu’il avait fallu une directive personnelle du duc pour que son intendant
lui trouve une place à l’une des longues tables latérales. Autour de lui, bien
qu’il fût vêtu de bon velours et de bon lin et gardât un calme plein de modestie,
les courtisans se comportaient comme s’ils étaient en présence d’un bourreau. Un
serviteur mal dégrossi se tenait derrière lui, mais c’était son maître qui
retenait l’attention. Les mystères peuvent amuser, mais les secrets sont faits
pour être éclaircis.
    Quelqu’un avait entendu dire qu’il s’agissait d’un soldat
ayant gagné son rang pour avoir sauvé la vie du duc plusieurs années auparavant.
Pour confirmer cette légende, les dames faisaient remarquer la largeur d’épaules
du personnage. C’était, de toute évidence, un homme d’épée. D’autres élevaient des
objections. Son crâne rasé lui donnait l’allure d’un homme de robe.
    Une dame était convaincue qu’il était templier, et cette théorie
acquit une certaine crédibilité : il est vrai que l’on pouvait s’attendre
à presque tout de la part des templiers.
    Dame Cecilia, en l’honneur de qui la duchesse donnait ce
banquet, fut jugée un peu trop enjouée pour une jeune mariée, même si elle l’était
pour la troisième fois. Son premier mari, d’après ce que Sigismondo apprit par
les bavardages tenus à sa table, était un vieux seigneur dont on disait qu’il
était mort d’extase entre ses bras. Le deuxième, plus jeune, avait commis la
sottise de se rompre le cou au cours d’une chasse au sanglier. Le troisième
enfin, âgé d’une quarantaine d’années et de forte carrure, doté d’un teint
rubicond et de sourcils noirs hérissés au-dessus de petits yeux également noirs,
couvait du regard le visage et les autres parties du corps de sa femme qui se
trouvaient exposées à la vue. Lorsque la quantité de vin absorbée eut abaissé
le niveau moral des conversations, on commença à se demander combien de temps
durerait ce troisième mari avant de connaître la même fin que le premier. Dame
Cecilia lui jetait parfois un regard plein de malicieux sous-entendus, avant de
se tourner à nouveau vers le duc avec une chaleur indiquant qu’elle n’était pas
avare de ce genre de promesses.
    La duchesse ne remarquait rien, ou s’en moquait, ou ne
voulait pas laisser paraître qu’elle s’en souciait. La célébration de son
mariage avait été autrement plus somptueuse que celle-ci et avait laissé un
souvenir impérissable au cœur des citoyens de Rocca, en tout cas à ceux d’entre
eux capables de se souvenir de quelque chose après les trois jours et les trois
nuits pendant lesquels le vin avait coulé à flots dans la fontaine de la grande
place Sainte-Agnès. Elle avait aussi eu plus de chance que la première épouse
du duc, puisqu’elle avait donné à ce dernier, pas plus tard que l’été précédent,
un fils qui paraissait en bonne voie de survivre ; les deux autres enfants,
des filles, étant mortes peu de temps après leur naissance, le duc avait fait l’économie
de coûteuses dots. Dame Cecilia n’avait donné aucun enfant à ses deux premiers
maris. La femme placée à la gauche de Sigismondo mettait cela sur le compte de
la malchance, tandis que celle assise à sa droite l’attribuait à une éponge
trempée dans le vinaigre.
    Pendant tout ce temps, les serviteurs s’étaient activés dans
l’espace laissé libre entre les tables, portant les plats, servant le vin,
désossant les cygnes rôtis, découpant les pâtés de chapon, de poule et de
gibier d’eau cuits avec de la moelle, des jaunes d’œufs, des prunes, des figues
et diverses épices, proposant de grands paniers de pain de froment ; à
présent le bâton blanc de l’intendant venait de se

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