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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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outrées.
    — Cette personne était habillée en femme, avec un fichu.
Le maître orfèvre que vous voyez là pense qu’il s’agissait sans doute d’un
homme. Le duc a donc ordonné que chacun d’entre vous soit examiné par cet orfèvre.
    L’un de ceux assis sur la table noua rapidement son fichu, se
leva et, d’une voix de fausset, s’exclama :
    « Bague à vendre ! Qui veut acheter ma bague ? »
en faisant ressortir son derrière et en esquissant un pas de danse.
    Cette fois, ce furent les femmes qui manifestèrent à grands
cris leur désapprobation, et le fautif fut promptement descendu de la table, mais
l’ambiance de la salle avait changé. Au milieu d’un envol de tissus, on se
couvrit la tête, on ajusta les fichus, on fit taire un début de minauderies par
un : « Pensez un peu à la duchesse ! » prononcé avec
indignation par on ne savait qui. La confrontation, à présent conçue comme une
saynète, était acceptée. Rien n’aurait pu la faire se dérouler de manière
disciplinée. Sigismondo, qu’il reconnût là un cas de force majeure [5] ou qu’il trouvât le spectacle à son goût, n’essaya pas d’y mettre de l’ordre et
resta assis sur un banc qu’une rangée de nains venait de délaisser pour se fondre
dans la bousculade.
    L’intendant et les gardes organisèrent une manière de défilé
devant l’orfèvre. Serrés dans un fichu, les visages, certains barbus, se
levèrent l’un après l’autre vers le sien. Beaucoup repassaient deux ou trois
fois.
    Les nains défilaient à toute allure.
    Voyant la panique envahir peu à peu le visage de l’orfèvre, Sigismondo
suggéra que la voix pourrait aider ; mais il fallut bientôt se rendre à l’évidence :
la répétition de la phrase « Ma maîtresse désire vendre cette bague »
sur tous les tons imaginables n’apporta aucune amélioration notable. Accablé, l’orfèvre
finit par lever les mains.
    Tout ce qu’il put dire fut que la plupart d’entre eux ressemblaient
à son vendeur, remarque qui causa quelque ombrage parmi les nains. L’intendant
voulut savoir si un nouveau défilé ne lui permettrait pas d’acquérir une
certitude, mais l’orfèvre, secouant la tête d’un air résolu, déclara que, bien
qu’il en fût navré, il ne pouvait pas, il ne pouvait vraiment pas identifier la personne en question.
    Les nains furent congédiés. Observant l’intendant qui
tentait de récupérer les fichus qu’il avait prêtés, et qui s’avéra non
seulement incapable d’intercepter ceux qui étaient emportés mais se fit
rabrouer par une matrone qui l’informa d’un ton glacial que c’était son fichu,
Sigismondo, qui tentait pour sa part de réconforter l’orfèvre, fut interpellé
par le nain à qui il avait parlé tout à l’heure, et qui restait calmement
accoudé à la table pendant que ses compagnons se bousculaient pour sortir de la
salle.
    — La duchesse possédait un grand nombre de bagues.
    — Celle-là, elle ne la quittait jamais.
    — La verte ? Une belle émeraude, je suppose.
    — Exact.
    — Bientôt ils arrêteront quelques-uns d’entre nous et
les tortureront jusqu’à ce qu’ils obtiennent des aveux.
    Le ton était parfaitement anodin.
    — C’est probable, en effet. Étiez-vous tous là ? Où
est celui qui a disparu avant le banquet ?
    L’autre lui adressa un regard pénétrant.
    — Poggio ? Il a été banni. Dans la foulée, avec Di
Torre et Bandini. Ce qui n’a pas empêché Leandro Bandini d’entrer.
    — Non.
    L’homme opina d’un air entendu.
    — Vous voulez dire que le bannissement est inefficace.
    Nouveau hochement.
    — Où habite Poggio ?
    S’éloignant de la table, le nain contourna Sigismondo pour
gagner la porte.
    — Il est originaire d’Altosta, dit-il.

 
CHAPITRE VIII
« Elle avait une dette envers moi »
    L’âpre vent des montagnes s’était amusé tout le jour à
arracher les toits des étals, à soulever les jupes et les coiffes des femmes, à
emporter bonnets et chapeaux, à secouer les volets comme pour venir réchauffer
son haleine glacée auprès de la cheminée ; il se faufilait sous les portes
pour tourmenter les chevilles, soufflant partout la paille et la poussière. À présent,
tout joyeux, il s’acharnait sur Sigismondo et Benno qui cheminaient en dehors
des murailles de la ville. Tandis qu’ils se courbaient sous ses assauts, manteau
rabattu sur la bouche et talonnant les chevaux, le vent leur envoya une rafale
de

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