Mort d'une duchesse
un ennemi ou à un amant, de potions capables d’assurer ou, au contraire, de
limiter la fécondité des femmes.
Des bouquets d’herbes séchées étaient suspendus dans la
pénombre au-dessus de sa tête comme des chauves-souris endormies, un feu de
brindilles et de détritus dégageait une odeur nauséabonde, à laquelle s’ajoutaient
celles de la mère de Poggio et d’une chandelle de suif. Un grognement dans l’obscurité
indiquait qu’un cochon partageait le logis.
Sigismondo écouta sans mot dire les excuses et lamentations
de la femme, puis repoussa en arrière cagoule et capuchon, exposant son crâne
rasé.
— Un prêtre ? Oh, mon père, ce que je dis est la vérité.
Je le jure sur votre croix. Poggio n’est pas là, je ne l’ai pas…
Le prêtre exhiba non un crucifix, devant lequel elle se
serait parjurée sans scrupule, mais une épée. La femme hurla. Trois poules, jusqu’alors
paisiblement installées sous les chevrons, s’envolèrent à travers la pièce. Le
cochon couina. Benno, qui attendait dehors près des chevaux, gardant bêtes et
sacoches avec un gourdin à la main, se demanda si Poggio avait été débusqué.
Ce n’était pas le cas, du moins pas encore, car lorsque l’épée
commença à sonder les recoins, une boule de paille bouchant un trou tomba d’un
des murs de claie et de torchis, et un visage apparut. C’était un gros visage
intelligent avec une large bouche, un nez retroussé et des yeux très brillants
qui examinèrent avec attention Sigismondo. Quelques instants plus tard, le visage
sortit du trou, suivi par un petit corps en pourpoint vert et chausses rouges. Avec
la souplesse d’une hermine, le nain posa le pied sur une bosse du mur, sa main
sur une autre, et se laissa tomber à terre, où il effectua une révérence de
courtisan.
— Poggio, et votre serviteur, seigneur.
Gagnée par ces courtoisies, et sans paraître le moins du
monde embarrassée par la présence de son fils qui attestait son mensonge, la
mère de Poggio s’empara d’un tabouret à trois pieds et le nettoya avec le
devant de son tablier crasseux. Une fois Sigismondo assis, elle mit une bouse
de vache sur le feu, versa une sorte de bière sentant la tanaisie dans un
gobelet en terre et l’invita à boire avec un sourire qui lui découvrit plusieurs
dents. Poggio se percha sur une botte de paille qui faisait visiblement office
de lit, l’air tout disposé à bavarder.
Il fut navré d’apprendre la mort de la duchesse. Elle était
gentille avec lui. Oui, il avait fait une plaisanterie stupide à son sujet, ce
qui avait mis le duc en colère. Le duc se mettait souvent en colère. Les nains
devaient être très prudents. Poggio avait espéré être rappelé de son exil, mais
à présent que la duchesse était morte, il était peu probable que le duc ait
envie d’entendre des plaisanteries.
Sigismondo but une gorgée de cervoise et sourit au nain d’un
air aimable.
— Au contraire. Sa Seigneurie m’envoie te chercher, dit-il
en tendant une main sur laquelle étincelait le lourd anneau ducal. Comme tu l’espérais.
Le visage de Poggio se tordit en ce qu’il aurait sans doute
souhaité être un mélange de surprise et de plaisir.
Mais pour sa mère, qui savait déchiffrer l’expression de son
visage, et pour Sigismondo, qui savait déchiffrer l’expression de n’importe
quel visage, il était clair qu’il était terrifié. Le sourire de Sigismondo s’élargit.
— Il veut t’interroger au sujet de la bague de la duchesse.
Il ne faisait pas particulièrement chaud devant le maigre
feu, mais les traits de Poggio luisaient de sueur.
— Je ne sais rien de la bague de la duchesse. Comment
le pourrais-je ? Je n’étais pas là.
— Tu n’étais pas là… à quel moment ?
Poggio lança un regard désespéré à sa mère qui, comprenant
aussitôt, l’enveloppa de ses bras entre lesquels il disparut.
— Mon enfant ! De quoi accusez-vous mon enfant ?
Il est resté tout le temps ici avec moi. Qu’aurait-il pu faire ?
Sigismondo se leva, toujours aussi affable.
— C’est ce que devront déterminer les tortionnaires du
duc. C’est leur travail. Le mien est de ramener votre fils à la ville.
Un gémissement de la mère de Poggio, un tortillement de la
part de ce dernier, et le voilà qui s’échappait en direction de la porte. Mais,
plus rapide, Sigismondo l’arrêta en barrant l’embrasure de son épée. Si, en cet
instant, Poggio avait été capable
Weitere Kostenlose Bücher