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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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même expression
que l’animal. Des saucisses tombant du ciel valaient bien que l’on prenne
quelques risques. Benno distingua le bruit des barres ôtées avec précaution de
derrière les portes. L’espace d’un instant, un visage apparut dans le trou d’un
mur que seul un grossier excès de langage pouvait qualifier de fenêtre. Une
rafale souffla dans leur direction un âcre panache de fumée, comme si le village,
ayant retenu jusqu’ici sa respiration, l’exhalait d’un coup. Une poule voleta
par-dessus une barrière en bois et se mit à becqueter, la tête prudemment
penchée de côté dans l’attente du grain qu’elle escomptait.
    — Qu’est-ce que vous voulez ?
    Impossible de savoir d’où provenait la voix. C’est le village
qui avait parlé. Benno, qui allait donner un bout de saucisse à l’enfant, suspendit
son geste, le gamin lui arracha le morceau des mains et courut se réfugier dans
une hutte. Le chien aboya. Sigismondo parla de sous son capuchon et, malgré les
efforts du vent pour la disperser, sa voix sonna claire et forte en direction
de ses invisibles auditeurs.
    — Je viens à Altosta de la part du duc.
    Le silence qui suivit n’étonna pas Benno. Même la poule
cessa de picoter. Les villages n’aimaient guère entendre parler des ducs ;
les puissants voulaient toujours plus de ce qui manquait déjà aux villages :
de l’argent, de la nourriture, des hommes qui aillent se battre pour eux. Jamais
les ducs n’envoyaient de cochons en cadeau aux villageois.
    — Sait-on ici que la duchesse est morte ? Assassinée
par un inconnu ?
    Le silence se poursuivit. Les duchesses, vivantes ou mortes,
on n’aimait pas plus en entendre parler que des ducs. Quant à un meurtre, voilà
qui n’était vraiment pas une nouvelle. Le village avait les siens, de temps en
temps, et n’éprouvait aucun besoin d’en connaître d’autres. Si Sigismondo n’était
pas un envoyé du duc, lequel connaissait probablement sa destination et enverrait
des soldats le chercher s’il ne rentrait pas, et s’il n’avait pas eu l’air d’un
homme sachant se servir d’une hache, le village l’aurait avalé tout cru, avec
son serviteur, ses sacoches, ses chevaux et le reste.
    — Le duc m’a ordonné de rechercher le nain Poggio. Celui
qui me dira où il vit recevra une récompense.
    Le silence changea de texture ; un marmonnement presque
inaudible sembla indiquer que l’on soupesait divers facteurs. Des éléments qui
ne pouvaient qu’échapper au visiteur firent pencher la balance : les airs
que se donnait la mère de Poggio depuis qu’il avait été engagé au palais, le
porc qu’elle s’était acheté avec l’argent que son fils lui envoyait. Quand elle
tuerait l’animal, beaucoup pourtant recevraient leur part : qui une joue, qui
un demi-pied. Et puis demeurait le fait, pour le moins fâcheux, qu’elle était
sorcière.
    L’homme en grand manteau noir lançait et relançait une pièce
en l’air. Elle brillait plus que la récolte que la plupart d’entre eux avaient
jamais vue. C’est alors que, parmi les ornières et les tourbillons de neige, accourut
tel un crabe un plus gros paquet de hardes. La poule s’enfuit en caquetant, le
chien se tapit au sol. Une main semblable à une racine surgit des haillons, désigna
la dernière hutte au bout du village, puis ramassa la pièce qu’on lui avait
lancée et disparut. Sigismondo, suivi de Benno conduisant les chevaux, ainsi
que du chien, se dirigea vers la masure des Poggio.
    Celle-ci était plantée de guingois dans un renfoncement de
la colline. La mère de Poggio releva la porte pour faire entrer Sigismondo. Comme
tout le village, elle avait jusqu’ici observé les étrangers avec attention et, ayant
conçu un plan, le mettait à présent à exécution.
    Elle ne nia pas l’existence de Poggio, mais sa présence ici.
Elle ne l’avait pas revu depuis l’été précédent. Il était trop occupé pour
rendre visite à sa pauvre mère.
    C’était dommage qu’il ne soit pas là alors que ce gentilhomme
était venu le voir, mais sa pauvre mère…
    C’était une grosse femme, une femme dont la corpulence dans
un village comme celui-ci indiquait qu’elle bénéficiait d’une manne de
nourriture interdite aux autres. La nourriture était en effet la seule monnaie
avec laquelle les villageois pouvaient rémunérer ses talents de sage-femme, son
savoir-faire dans la toilette des morts ou la préparation de mixtures destinées
à

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