Mort d'une duchesse
pénétra
dans la cellule de la jeune fille.
Cosima avait les yeux ouverts. Une fois de plus, elle s’efforça
de se redresser. Elle y parvint, même si le bras sur lequel elle prit appui
tremblait.
— Benno est-il vraiment là ? chuchota-t-elle. Je
ne comprends pas. J’ai eu de la fièvre, vous savez ; j’ai vu mon père ici
même, j’ai cru que j’étais à la maison, et Biondello – les brigands l’ont
tué.
Du doigt, la veuve désigna la coupe.
— C’est elle qui t’a donné des visions.
— Je ne l’ai pas bue tout à l’heure. J’ai dit que je la
boirais plus tard, et sœur Giuseppe était si pressée qu’elle n’a pas attendu. Je
voulais réfléchir. Pourquoi Benno est-il ici ? Pourquoi mon père n’a-t-il
pas envoyé ses gens ?
— Parce qu’on te cache. Ton père ignore où tu es.
Les sœurs auraient même nié ta présence au couvent.
— J’ai réfléchi. Ce sont les Bandini, n’est-ce pas ?
Ils m’ont enlevée. Qui d’autre ? Ils ne souhaitent pas plus que nous que j’épouse
leur Leandro.
Elle retomba sur les oreillers et serra les poings.
— Pouah ! Cette idée me répugne.
— Le plus urgent pour l’instant, c’est de te faire sortir
d’ici. Peux-tu marcher ? J’en doute. Voyons…
Négligeant toute pudeur devant la veuve, Cosima rejeta ses
draps et parvint à poser les pieds au sol. Le bras gauche de la veuve la
soutenait, et elle s’agrippa, à travers l’étoffe de la manche, à sa main droite.
— J’ai l’impression de ne plus avoir mes jambes, remarqua
Cosima hors d’haleine.
La veuve la réinstalla sur le lit.
— Entraîne-toi. Mais dès que tu entendras quelqu’un
arriver, tu te recouches. Tu dois avoir l’air hébétée et à moitié endormie. Tu
dois t’entraîner. Je peux te soutenir, mais te porter…
La veuve sourit avec modestie.
— … cela paraîtrait suspect si on nous surprenait, tu ne
crois pas ? Un long voyage nous attend. Tu dois rassembler tout ton
courage.
— Pourquoi ne pas demander à mère Luca de m’aider ?
Je suis sûre qu’elle le ferait. Elle est gentille et compréhensive.
La veuve fixa Cosima dans les yeux.
— Quel effet cela te ferait-il si je te disais que c’est
une Bandini ?
CHAPITRE XIII
« Cousine Caterina »
Un breuvage fortifiant et un bouillon de mouton avec tant de
légumes qu’il était presque aussi épais qu’un potage furent portés à la veuve, qui
parvint à les faire passer à Cosima pendant none. C’est aussi pendant que l’on
disait none qu’un sifflement joyeux se fit entendre tout au long de l’aile de l’infirmerie
donnant sur la cour, et que la veuve, dans sa cellule, grimpa sur le tabouret
de bois et entailla le papier huilé de sa fenêtre. Elle laissa dépasser
quelques instants la lame du couteau à l’extérieur, le siffleur s’arrêta sous
la fenêtre et Benno toussota.
La veuve souleva un coin du papier et, d’un vigoureux
murmure, l’informa qu’on avait retrouvé Cosima, mais dans un tel état qu’il
faudrait la transporter comme un vulgaire colis. La veuve posa quelques questions
concernant les écuries et Benno, négligemment appuyé contre le mur, lui
répondit. Sur quoi la veuve donna ses instructions, qu’il écouta avec attention.
— Il y a quelques serviteurs, dit-il enfin, qui n’ont pas
l’air d’avoir de tâche précise. C’est pas des visiteurs comme moi. Ils mangent
ici, ils entrent et sortent à leur guise, ils vont en ville. L’un d’eux est
arrivé peu après l’aube, pressé comme s’il avait des nouvelles. Il a dû faire
son rapport à cette mère Luca, parce qu’une grande nonne est venue lui changer
son pansement au poignet et lui a parlé tout le temps que ça a duré, sans lever
les yeux, et lui il hochait la tête et ensuite il est parti. D’après ce que
disent les serviteurs, c’est elle qui dirige tout ici, la révérende mère ne
fait que dire oui-oui.
Remarquant que Benno était en train de parler, Biondello, qui
avait passé le plus clair de son temps à explorer les lieux, revenant cependant
à chaque fois vers son idole et la source de tous ses plaisirs terrestres, s’immobilisa,
dressa l’oreille et émit un petit geignement interrogateur.
— … ?
— Celui-là va nous faire remarquer, quelle que soit la
façon dont nous autres nous déguiserons, remarqua la veuve.
— On pourrait le teindre en brun.
— Et lui couper l’oreille qui lui reste ? Garde
ces individus
Weitere Kostenlose Bücher