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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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coupés, s’entendit-elle dire tout en
levant les mains pour tâter, sous les plis de la batiste, son crâne rasé auquel
elle n’était toujours pas habituée. Elles me gardaient prisonnière.
    « Combien je suis pathétique ! » se dit-elle.
Leandro la considéra avec tendresse. Son père avait changé d’expression.
    — Le duc Francisco… ? fit-il en se retournant vers
Ugo Bandini. Vous n’y étiez donc pour rien ?
    — Je le jure. Sur la tête de mon fils.
    Cela parut convaincre Di Torre, mais souleva de nouvelles
questions.
    — Votre fils… fit Di Torre en le désignant du doigt.
    Sigismondo s’avança, la main levée comme un magistrat.
    — Messire, c’est là une autre question. Le plus important
pour l’instant, c’est que votre fille se soit comportée avec tout le courage et
la dignité d’une Di Torre.
    Une fois de plus, Jacopo se tourna vers Cosima ; sur un
signe de Sigismondo, elle put enfin faire sa révérence. Son père se précipita
vers elle et, lorsqu’elle se releva, il la serra contre ses fourrures qui
sentaient le renfermé. Il l’embrassa, essuya des larmes dans sa barbe, puis
sursauta en lui chuchotant :
    — Ton voile, ma fille, Seigneur Dieu, oublies-tu que tu
es en présence d’inconnus ?
    Cosima ramena le voile de ses épaules sur son visage. Sigismondo
sourit et elle, se remémorant avec quelle audace elle avait rejeté ce même
voile en arrière dans la cellule de Leandro, s’empourpra, le visage rendu plus
ardent encore par la batiste.
    Mais Sigismondo avait repris la parole :
    — Messires, pour le moment et en ce lieu, vos enfants
sont en sécurité ; mais eux et vous êtes toujours en danger, ainsi que
Rocca tout entière et le duc lui-même. Je suppose que vous le savez. Vous savez
que le duc Francisco de Castelnuovo est sur le point d’attaquer  – que ses
mercenaires, avec à leur tête Lupo, ont franchi la frontière et campent cette
nuit sur le territoire du duché de Rocca.
    Aucun des deux hommes ne parut choqué. C’était vrai. Ils le
savaient. Ugo baissa les yeux vers son fils comme pour dissimuler toute
expression. Le père de Cosima, qui avait presque aussitôt desserré l’étreinte dans
laquelle il tenait sa fille, prit un air embarrassé.
    Ce fut Angelo qui, tout en lissant sa robe, remarqua :
    — Ce bâtard a du doigté.
    Ce qui attira sur lui tous les regards.
    — C’est vrai, il a bien choisi son moment, non ? poursuivit-il
de sa voix aiguë de fille. Toute la ville fermente comme un tas de fumier. Les
gens n’ont pas apprécié que l’on assassine leur duchesse et ils n’aiment pas
non plus entendre dans les rues les ricanements moqueurs des hommes d’Ippolyto.
Ils n’aiment pas les incessantes bagarres qui portent préjudice à leurs biens.
    Il adressa un hochement de tête à Leandro, son beau visage
dévoilant à peine ses dents tordues.
    — Et demain ils vont être contrariés de belle manière
de ne pas voir la couleur de vos tripes. Certains d’entre eux sont des
connaisseurs.
    Une fois de plus, Bandini enveloppa son fils d’une étreinte
protectrice, mais Sigismondo s’adressa à Jacopo Di Torre.
    — On vous a donné des instructions, messire : le prix
de la vie et de la sécurité de votre fille.
    Di Torre tira sur le coin du voile de Cosima, comme si cela
avait la moindre importance.
    — Quelles étaient ces instructions ?
    Le père de Cosima saisit le poignet de sa fille et, levant
son bras, parla d’une voix forte et rapide.
    — Qu’aurais-je pu faire ? Pouvais-je laisser
mourir mon enfant ? Mon unique héritière ? Une Di Torre ?
    Un objet, un bien, un pion… Cosima sentit ces pensées, qu’elle
avait toujours nourries, remonter à la surface. Son père ne la regardait jamais
avec les yeux qu’avait Ugo Bandini pour son fils. Leandro hériterait, lui aussi,
mais il préserverait son patronyme, il perpétuerait sa lignée. Elle agita les
doigts pour se libérer et son père la lâcha aussitôt, sans même la regarder. Elle
était morte de fatigue et ses pieds la brûlaient, mais la vigueur de sa
jeunesse la soutenait, et elle gardait sur le visage cet air obligeant que l’on
attend d’une jeune fille.
    — Bien sûr, messire. Vous ne pouviez la laisser mourir.
La nature et votre amour pour elle commandaient que vous obéissiez à ces ordres.
Quels étaient-ils ? De quelle manière deviez-vous aider demain le duc
Francisco ?
    Di Torre pointa à nouveau son doigt sur Ugo

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