Mort d'une duchesse
sienne.
— … soyez assurée que seule l’ignorance a inspiré mon
fils…
— Je ne pouvais pas savoir.
Leandro se toucha la joue avec tendresse avant d’écarter
largement les bras.
— Dame, dame très admirée, dame très précieuse, c’est
par votre vaillant secours que j’ai pu être libéré. J’implore votre pardon. Je
ne comprends rien. L’agent du duc…
Il se tourna vers Sigismondo, mais celui-ci avait disparu. Seul
Angelo se tenait, modeste et vigilant, derrière Cosima.
— L’agent du duc m’a sauvé et le fidèle secrétaire de
mon père voulait m’empêcher de m’évader.
— Giulio ? T’empêcher… ?
— Oui, père, c’est la vérité. Il a tenté d’empêcher mon
évasion.
Le voyant porter le dos d’une main sanguinolente à son front,
son père lui saisit les bras, qu’il considéra d’un air horrifié, et voulut lui
ôter sa robe, elle aussi maculée de sang, pour examiner les blessures qu’il venait
d’imaginer.
— Je ne suis pas blessé, père. Ceci est le sang de Giulio.
Il a tenté de m’arrêter, il aurait appelé la garde. C’est elle qui a dû
le tuer.
D’un hochement de tête il indiqua Angelo qui, lorsque Ugo
Bandini se retourna pour le regarder, lui fit une petite révérence polie. Cosima
s’était laissée choir sur le banc en se demandant ce qui arrivait à ses genoux,
et se dit que les Bandini, père et fils, avaient suffisamment eu de surprises
pour l’instant.
Le destin, semble-t-il, n’était pas d’accord, car la porte s’ouvrit
et ce fut au tour de Cosima de connaître sa propre surprise, laquelle se trouva
poussée dans la pièce par Sigismondo. Jacopo Di Torre, dont le bonnet fourré
glissa en arrière lorsqu’il entra, s’immobilisa, bouche bée, en découvrant tour
à tour sa fille puis Bandini, lequel lui retourna un regard tout aussi ahuri.
En voyant son père, Cosima s’était levée pour accomplir sa
révérence filiale, avec sur les lèvres un sourire instinctif de bienvenue, et
attendait les joyeuses exclamations, la même étreinte des retrouvailles qu’avait
réservée Ugo Bandini à son fils. Mais son père garda le regard fixe et le
sourire de Cosima s’éteignit. Jacopo Di Torre s’avança vers Bandini et lui brandit
son poing sous le nez.
— Traître ! Assassin ! Est-ce là votre
vengeance, maudits ? Me faire venir ici pour me présenter ma fille déshonorée ?
Il se retourna vers Sigismondo, qui se tenait près de la
porte, suivant d’un air attentif et grave ce qui se passait.
— Vous avez prétendu être au service du duc, mais à
présent je comprends que les bruits qui courent sont vrais ; vous
travaillez pour le duc Francisco. Épargnez-moi vos excuses !
À vrai dire, Sigismondo n’avait aucunement fait mine de
présenter de quelconques excuses.
— La preuve, reprit Di Torre en projetant son
doigt tendu vers Leandro, la voici ! Il n’y a qu’un traître pour vouloir
libérer un assassin.
Il se frappa le front de ses poings, manquant faire tomber
son chapeau de fourrure.
— Mais vous avez échoué ! Je la renie ! martela-t-il
avec un geste du bras qui chassait Cosima de sa vie. Elle n’est plus ma fille. Vous
l’avez déshonorée, elle n’est plus une Di Torre ! Faites ce que bon vous semble,
que sa honte lui vaille la mort, elle n’est plus ma fille !
Des pleurs se mêlaient à ses cris et Cosima, stupéfaite et
furieuse, se dit : « Peut-être, après tout, éprouve-t-il quelque
sentiment pour moi », et simultanément : « Je n’avais pas
réalisé qu’il était si vieux. »
— Depuis son enlèvement, perpétré par des hommes du duc
Francisco, votre fille, messire, a d’abord été confiée aux nonnes-du couvent de
Castelnuovo. Ensuite elle a été placée sous la protection de dame Donati, chez
la sœur de laquelle nous nous trouvons à présent. Elle a partout été en honnête
compagnie et son honneur est intact.
— Des nonnes ?
Le ton ferme employé par Sigismondo était suffisamment
convaincant pour que Cosima voie l’espoir renaître sur le visage de son père. Les
Bandini, aussi bien père que fils, s’étaient abstenus de protester devant les
accusations portées contre eux, se contentant d’assister à la scène comme à une
pièce de théâtre dont l’intrigue leur était étrangère.
— Des nonnes, répéta Jacopo Di Torre en se tournant à
nouveau vers Cosima. Des nonnes m’ont apporté ses cheveux.
— Elles me les ont
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