Mort d'une duchesse
Bandini.
— Comprenez, messire, que je croyais que ces instructions
venaient de vous.
— Alors nous sommes quittes, messire. Je pensais
que le cerveau ayant échafaudé toutes ces machinations était le vôtre.
Sigismondo fredonna d’un air innocent.
— Ainsi vous étiez tous deux prêts à sacrifier votre duc
pour sauver vos enfants.
— Je ne suis pas Brutus, messire, pour envoyer mon fils
à la mort dans l’intérêt de mon pays.
Ugo Bandini leva la main pour empêcher Leandro de l’interrompre.
— Moi non plus je n’avais pas le choix.
Di Torre et lui se jaugèrent comme si chacun commençait à se
demander si son ennemi n’était pas après tout un être humain.
— Vous devez comprendre, messires… commença Sigismondo
d’une voix forte et sur un ton pressant qui firent réaliser à Cosima qu’ils n’avaient
pas encore échappé au danger et que l’ennemi qui les menaçait n’était toujours
pas vaincu. Vous devez comprendre que vous avez été trompés l’un comme l’autre,
et par la même personne. Tous deux abritiez des espions chez vous, l’esclave
Sascha et le secrétaire Giulio.
— Sascha !
— Vous avez quitté la ville dans une litière, inconsciente.
Elle en est sortie vêtue de votre robe et chevauchant avec un sicaire ; elle
a laissé entrevoir votre robe, comme son cavalier a dévoilé les fausses couleurs
des Bandini qu’il avait passées. Elle a été amèrement payée en retour pour sa traîtrise.
Cosima, interdite, se demanda pourquoi Sascha avait agi
ainsi. L’avait-elle mal traitée ? Sascha la haïssait-elle sans qu’elle l’ait
jamais su ?
— Il y avait à coup sûr d’autres espions. Nous n’avons
pas le temps d’éclaircir tout ce qui doit l’être. Vous devez me faire confiance
et, pour une fois, vous faire mutuellement confiance. Vos enfants ne risquent rien
pour l’instant, mais leurs vies, et les vôtres, dépendent de ce qu’il adviendra
au cours de la journée qui s’annonce.
Il s’était approché de la fenêtre et jeta un coup d’œil par
une fente du volet, comme pour vérifier combien de temps il restait avant l’aube.
Puis il se tourna et s’adressa d’un ton presque anodin à Di Torre :
— Et vos instructions, messire, étaient… ?
— D’ouvrir les portes. Ou plus exactement…
Cosima perçut le son d’une contraction de gorge, un effort
pour préserver un minimum de dignité dans cet aveu de traîtrise.
— … en tant que grand conseiller du duc, je devais envoyer
des messages portant mon sceau et notifiant qu’on ne devait en aucun cas sonner
l’alarme, ni s’opposer d’aucune manière à l’entrée de troupes ennemies s’il s’en
présentait ; que ces troupes étaient celles du duc Ippolyto et qu’elles
venaient aider notre duc à réprimer des émeutes.
— Des émeutes ? fit Bandini.
— Des émeutes devaient être organisées, répondit Sigismondo
d’un ton flegmatique.
En voyant l’expression de son père, Cosima, qui avait repris
place sur le banc tapissé installé au pied du lit, éprouva pour la première
fois de la peine pour lui.
Après tout, même si elle n’était pas une personne à part
entière, seulement sa fille, c’est dans son intérêt qu’il avait failli
commettre cette vilenie.
Jacopo leva la tête.
— Et vous, que deviez-vous faire ? demanda-t-il à Bandini.
Des deux mains, celui-ci ébaucha un geste d’offrande et
expliqua d’une voix presque conciliante :
— Donner de l’argent. Les troupes, les mercenaires coûtent
cher. Vous deviez ouvrir le passage aux hommes engagés par Francisco, et moi je
devais les payer, dit-il avant de poser la main sur l’épaule de Leandro en
ajoutant : Si je ne voulais pas que mon garçon meure.
— Au lieu de quoi, intervint Sigismondo d’un ton faussement
enjoué, c’est le duc Ludovico qui devait mourir. Maintenant, si nous voulons
empêcher cela, vous devez m’obéir.
— Attendez, attendez, fit Jacopo en claquant des doigts
à l’adresse d’Angelo. Vous, occupez-vous de votre maîtresse. Mettez-la au lit. Elle
devrait être couchée depuis longtemps.
Angelo fit la révérence et s’approcha de Cosima.
Leandro bondit de sa chaise pour le devancer. Sigismondo, avec
un fredonnement désapprobateur, se saisit de lui et l’éloigna.
— Angela, dame Donati doit sûrement attendre. Accompagnez
votre maîtresse à sa chambre.
Di Torre et Ugo Bandini se retrouvèrent de part et d’autre
de
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