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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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apparence. En fait, ils ont taillé une Constitution pour conserver leurs sièges et leurs biens. Et ils font tirer au canon sur ceux qui la contestent. Et ce sont ceux-là qui rafleraient la mise ? Au nom de la France, au nom des Français ?
    N’ai-je pas déjà fait plus qu’ils ne feront jamais ?
    Je joue pour moi .
    Il faut vaincre l’archiduc Charles et engager des négociations avec Vienne pour être non seulement le général victorieux, mais aussi l’homme de la paix.
    Il faut agir vite, parce qu’on ne peut mettre à genoux l’Autriche avec une quarantaine de milliers d’hommes, et qu’il faut aussi songer à surveiller toutes ces villes et ces campagnes italiennes où la plus grande partie du peuple déteste les Français.
     
    Napoléon et ses armées marchent vers le nord-est.
    Le 12 mars, Napoléon franchit le Tagliamento. Joubert est à Bozen et à Brixen, Bernadotte à Trieste.
    Le 28 mars, Napoléon entre à Klagenfurt. Bientôt les avant-gardes arrivent à Leoben, au coeur de la Styrie. Et des hauteurs du Semmering, Napoléon aperçoit la grande plaine du Danube et, à une centaine de kilomètres, il imagine autant qu’il devine dans les brumes de l’horizon les coupoles et les toits de Vienne.
    Ne pas se laisser griser. S’en tenir au « système » qu’il a défini, victoire et paix le plus vite possible.
    Dès le 31 mars, dans sa tente, il a rédigé un message destiné à l’archiduc Charles. Il a insisté auprès de l’aide de camp qui allait s’avancer vers les lignes autrichiennes pour que le pli soit remis en main propre au général en chef autrichien. Puis il a regardé longuement l’officier s’éloigner dans les rues de Klagenfurt.
    Les mots qu’il a tracés et qui résonnent dans sa tête ont peu de chances d’être entendus. L’archiduc Charles n’est sûrement pas prêt à prendre des libertés avec les autorités de Vienne. Mais l’empereur d’Autriche n’est pas un « avocat » ou un « badaud » comme ceux qui gouvernent à Paris. Et ceux-là, parce que le peuple connaîtra ce message, seront contraints, un jour, de compter avec Napoléon.
    « Les braves militaires font la guerre et désirent la paix, a-t-il écrit. Avons-nous tué assez de monde et commis assez de maux à la triste humanité ? Elle réclame de tout côté… Êtes-vous décidé à mériter le titre de bienfaiteur de l’humanité et de sauveur de l’Allemagne ?… Quant à moi, si l’ouverture que j’ai l’honneur de vous faire peut sauver la vie à un seul homme, je m’estimerai plus fier de la couronne civique que je me trouverai avoir méritée que de la triste gloire qui peut revenir des succès militaires. »
     
    Il attend, s’enfonce plus avant encore en Styrie, atteint Judenburg, Leoben.
    Ces nouvelles victoires – Neumarkt, Unzmarkt – ne lui procurent aucun plaisir. Elles sont fades après Lodi, Arcole, Rivoli.
    Peut-être est-ce la guerre elle-même dont il a épuisé les émotions les plus fortes ? Au début, elle l’enfiévrait. Mais voilà près d’un an qu’il s’y livre quotidiennement, qu’il voit des morts jusqu’à la nausée, qu’il a vu tomber les meilleurs, Muiron au pont d’Arcole pour lui sauver la vie. Il sait maintenant, à près de vingt-huit ans, que la guerre n’est qu’un moyen, un outil dont il connaît bien des facettes. Mais peut-elle encore surprendre ? C’est ce qu’on obtient grâce à elle qui l’attire : la gloire, le pouvoir sur les hommes, non pas ceux qui marchent au pas mais tous les hommes dans leur vie quotidienne, leurs institutions et leurs plaisirs.
    Il regarde autour de lui ces officiers, aides de camp, généraux, Joubert, Masséna, Bernadotte. Ils sont de bons soldats, courageux, talentueux. Mais lui est déjà au-delà, parmi ceux qui ne se contentent pas de diriger une armée, même comme généraux en chef, mais qui décident pour toutes les armées. Ceux qui détiennent le pouvoir politique.
    Ceux ou celui ?
    Mais s’il veut être de ceux-là, ou, pourquoi ne pas oser le penser, celui-là, il faut affronter les détenteurs de la puissance à Paris.
     
    Il connaît les cinq Directeurs, Barras, Carnot, Reubell, Barthélemy, La Révellière-Lépeaux. Il a été, le 13 vendémiaire, le bras armé de Barras. Ces hommes ne s’embarrassent guère du respect des lois. Il a vécu la Révolution. Il sait bien que, comme sur un champ de bataille, ce qui tranche, c’est l’épée, c’est-à-dire le

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