Napoléon
vaincu ! D’autant plus que le drapeau tricolore flottait sur Vienne...
Essling n’en est pas moins une défaite : les Autrichiens l’appellent la victoire d’Aspern. La journée du 22 mai 1809 fait tressaillir d’espoir, en France,le faubourg Saint-Germain, et, en Europe, les ennemis de l’Empereur. L’Angleterre envisage alors une descente sur le continent et s’imagine déjà les Bourbons revenus à Paris. Scharnhorst, le ministre prussien de la Guerre, écrit à son roi : « Je ne veux point descendre déshonoré dans la tombe et je le serais si je ne conseillais à Votre Majesté de profiter du moment actuel pour faire la guerre à la France. Voulez-vous que l’Autriche victorieuse vous rende vos États comme une aumône ?... »
— Encore une victoire de l’Autriche, répondra avec prudence Frédéric-Guillaume, et je viens.
Au lendemain d’Essling, le tsar est bien décidé à ne pas suivre ce que lui commandait le traité d’Er-furt. Ne devait-il pas porter ses armes contre l’Autriche puisque l’empereur François était assurément l’auteur de l’agression qui avait déterminé le déclenchement de la nouvelle guerre ? Non ! Il ne bougera pas, attendant lui aussi une « seconde victoire ».
— Ce n’est pas une alliance que j’ai là, constatera amèrement Napoléon.
Tous espèrent en la prochaine curée et l’Empereur le prédit en une formule lapidaire :
— Ils se sont tous donné rendez-vous sur ma tombe, mais ils n’osent s’y réunir !
Ils attendent Wagram...
L’archiduc Charles a supposé que l’Empereur va recommencer la même folie qui l’a conduit à Aspern et à Essling : faire franchir un large fleuve à une armée, qui se battra, de nouveau, le dos aux berges du Danube. Mais au lieu d’attaquer – et l’autrichienne victoire de Lobau eût pu être décisive – l’Archiduc préfère, lui aussi, demeurer dans l’expectative. Il est vrai, comme le dira Napoléon, que chacun devait lécher ses plaies... Cet atermoiement n’en sera pas moins la perte de l’Autriche !
Pour fortifier l’île, base du départ de la prochaine offensive, Napoléon ordonne de remplacer les ponts de bateaux par des ponts sur pilotis. On truffe debatteries aussi bien la rive droite du fleuve et les îlots qui parsèment le Danube, que « la Lobau ». Au débouché du grand pont, dans l’île même, les fortifications sont si importantes qu’elles ont résisté au temps. Des arbres les recouvrent, mais le tracé de cette véritable et haute forteresse demeure présent, face à la raffinerie viennoise de pétrole.
Par ailleurs, l’Empereur a prescrit la construction de trois flèches sur la rive gauche, en avant du petit pont. L’une d’elles demeure encore, enfouie sous un panache de verdure, mais parfaitement visible au milieu de la plaine. Il fallut, dernièrement, employer les bulldozers pour avoir raison des deux autres.
Sans relâche, munitions, matériel, armes, vont s’amonceler dans l’île. Des vivres aussi : « On fera, ordonne l’Empereur le 22 juin, l’inventaire de toutes les caves de Vienne qui appartiennent, soit aux princes, soit aux couvents et aux plus grands seigneurs, afin d’être assuré de l’approvisionnement de l’armée, sans être obligé d’avoir recours aux caves des bourgeois et petits propriétaires. »
Grâce aux Italiens d’Eugène et de Macdonald – ce dernier vient de battre l’archiduc Jean – grâce également au corps de Marmont venu de Dalmatie, Napoléon dispose maintenant de cent cinquante mille hommes et de six cents bouches à feu. En face, l’archiduc Charles, dont l’artillerie est devenue, elle aussi, considérable, a rassemblé cent soixante mille hommes devant Wagram et attend, d’un jour à l’autre, l’arrivée de son frère Jean dont les troupes, en dépit des pertes infligées par Macdonald, comptent encore vingt mille hommes. Mais l’archiduc Jean tarde... L’Empereur va le devancer et décide de passer à l’attaque.
— Malheur à celui qui vient sur un champ de bataille avec un système, a dit Napoléon.
L’Archiduc, aveuglé par la construction des trois flèches, s’attend, comme le 21 mai, à voir déboucher les forces françaises face à Aspern et à Essling – « il croyait que la souris sortirait par où elle était rentrée », ainsi que le dira l’Empereur. Aussi le généralissime autrichien construit-il lui aussi « redoutessur redoutes » reliant les
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